Pour le Rassemblement national, Brigitte Bardot n'était pas d'extrême droite
La disparition de Brigitte Bardot suscite de vives polémiques. Alors que le chef de l'État a salué une "légende du siècle", c'est la réaction politique du Rassemblement National qui a cristallisé les tensions. Son président n'a pas tardé à réagir. Pour Jordan Bardella, l'actrice incarnait "une certaine idée du courage et de la liberté." Il a fustigé le traitement médiatique de l'événement, dénonçant le "mépris" et la "haine" de ceux qui ont préféré rappeler les parts d'ombre de la star. Car elles existent et elles pèsent déjà sur sa mémoire.
Un lourd passif judiciaire qui refait surface
Derrière l'image de la protectrice des animaux se cache une réalité judiciaire que le RN tente de minimiser. Brigitte Bardot n'est pas seulement une star de cinéma, c'est aussi une personnalité condamnée à cinq reprises pour incitation à la haine raciale entre 1997 et 2008. En défendant sans nuance l'actrice, le parti s'expose au rappel brutal de ses écrits.
Car il est impossible d'ignorer la violence de certaines prises de parole. La justice a sanctionné l'usage de termes tels que "lopettes de bas étage, travelos de tout poil, phénomènes de foire " pour qualifier les homosexuels ou encore "population dégénérée encore imprégnée des coutumes ancestrales" dans une lettre visant les Réunionnais, des condamnations qui restent gravées dans son dossier.
Ces propos sur les "autochtones ayant gardé leurs gènes de sauvages" sont incompatibles avec l'image républicaine que le parti tente de se forger. En saluant sans nuance, encore une fois, la mémoire de B.B., Jordan Bardella a exposé le Rassemblement national à un véritable danger, sans doute plus médiatique qu'électoral.
La dédiabolisation à l'épreuve de l'histoire
Depuis plusieurs années, Marine Le Pen et son successeur s'efforcent de lisser l'image du mouvement pour séduire l'électorat modéré et les milieux économiques. Or, l'héritage idéologique du RN et la dédiabolisation se heurtent ici frontalement à la fidélité envers une figure historique de la "droite dure".
Brigitte Bardot a toujours affiché sa sympathie pour le "Front national" (son dernier mari avait été le conseiller du "Menhir" lui-même), qualifiant même Marine Le Pen de "Jeanne d'Arc du XXIe siècle." En embrassant cet héritage, le RN satisfait sa base militante historique, nostalgique d'une parole libérée, mais prend le risque d'effrayer les nouveaux électeurs venus pour la promesse de gestionnaire sérieux incarnée par Bardella.
Un hommage qui ne passe pas à gauche
Les conséquences du soutien de Bardella à une "ardente patriote" pourraient-elles freiner la dynamique de respectabilité du parti ? C'est peu probable. Mais là où Jordan Bardella maîtrise une communication politique millimétrée, Brigitte Bardot représentait une authenticité brute, souvent violente et sans filtre (en 2012, elle appelait les maires français à parrainer Marine Le Pen rappelle Le Huffington Post) .
L'impact politique de la mort de Brigitte Bardot pourrait bien être ce rappel constant : malgré les efforts de forme, le fond idéologique et ses "vieux démons" ne sont jamais très loin. Mais résumer la star à ses travers, ce sur quoi toute la gauche ou presque s'accorde, allant jusqu'à lui refuser tout hommage, est aussi un raccourci ridicule que Jordan Bardella a eu raison de dénoncer, quoi qu'on en pense.