Le ministère de l’Intérieur saisit la justice après la vente de brûlots antisémites et racistes chez Cultura, Fnac et Amazon
Le ministère de l’Intérieur a annoncé sa décision de saisir la justice après la découverte de nombreux ouvrages à caractère raciste, antisémite ou négationniste proposés à la vente sur internet. Ces livres, pourtant interdits en France en raison de leur contenu haineux ou apologétique, étaient accessibles sur les sites de grandes enseignes culturelles comme la Fnac, Cultura ou encore Amazon, suscitant l’indignation des autorités et de nombreuses réactions politiques et associatives.
C’est à la suite d’une enquête publiée par Libération que ces manquements ont été mis en lumière. Le quotidien a recensé plusieurs titres interdits, allant de pamphlets suprémacistes à des textes ouvertement négationnistes, disponibles sans restriction apparente. Cette situation pose la question de la responsabilité des plateformes dans la diffusion de contenus illégaux et du contrôle effectif exercé sur des catalogues comptant parfois plusieurs millions de références.
Parmi les ouvrages signalés figurent des écrits du négationniste français Robert Faurisson, du néonazi américain William Luther Price, mais aussi le manifeste d’Anders Behring Breivik, l’auteur des attentats d’extrême droite en Norvège en 2011. S’ajoute également Les Protocoles des sages de Sion, faux document antisémite fabriqué au début du XXe siècle, utilisé depuis des décennies comme outil de propagande haineuse.
Face à ces constats, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a décidé de saisir la justice dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale. Ce dispositif impose à toute autorité publique ayant connaissance d’un crime ou d’un délit d’en informer sans délai le procureur de la République. Le ministère a confirmé cette démarche à l’AFP, soulignant la gravité des faits et la nécessité d’y apporter une réponse judiciaire.
Des "trous dans la raquette" reconnus par les enseignes
La présence de tels ouvrages sur des plateformes grand public interroge d’autant plus que leur diffusion est strictement encadrée par la loi française. La vente de textes incitant à la haine raciale, niant des crimes contre l’humanité ou faisant l’apologie du terrorisme constitue une infraction pénale. Pour le ministère de l'Intérieur, ces dérives témoignent de failles importantes dans les mécanismes de modération et de vérification mis en place par les distributeurs.
Interrogée par Libération, la directrice des relations médias du groupe Fnac Darty, Bénédicte Debusschère, affirme que tout ouvrage interdit est en principe immédiatement retiré de la vente. Elle reconnaît toutefois que, compte tenu d’un catalogue de près de 20 millions de titres, des défaillances peuvent exister, évoquant des "trous dans la raquette". Le groupe défend par ailleurs la commercialisation de livres polémiques tant qu’ils restent dans le cadre légal, au nom de la liberté d’expression.
De son côté, Cultura admet un "problème" lié à un dysfonctionnement structurel de la profession. Son directeur marketing, Aurélien Rousseau, assure condamner fermement toute forme de racisme, d’antisémitisme et de négationnisme, tout en reconnaissant la difficulté de contrôler de vastes bases de données alimentées par de multiples fournisseurs, notamment via des places de marché en ligne.
Une responsabilité juridique et morale en question
Au-delà des éventuelles poursuites judiciaires, cette affaire relance le débat sur la responsabilité des grandes plateformes culturelles et commerciales. Si la loi fixe un cadre clair, son application concrète dépend largement de la vigilance des acteurs privés. Pour le ministère de l’Intérieur, la saisine de la justice vise aussi à rappeler que la lutte contre les discours de haine et la diffusion d’idéologies violentes constitue une priorité républicaine, à l’heure où ces contenus trouvent encore trop facilement un public sur internet.