Interview. Quel scénario après le vote de confiance ?

Publié par Matthieu Chauvin
le 26/08/2025
François Bayrou
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© Abdullah Firas/ABACA
Lundi, François Bayrou a donné une conférence de presse pour clarifier les mesures proposées dans son projet de loi de finances 2026 en lien avec le niveau d'endettement critique de la France. Il n'a fait aucune concession et a choisi d'invoquer l'article 49.1 de la Constitution pour soumettre son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre. Beaucoup d'experts annoncent une censure inévitable. Nous avons interrogé le politologue Olivier Rouquan sur l'après, si cela se produit.

Après sa conférence de presse lundi 25 août confirmant la dureté des mesures qu'il souhaite présenter dans son projet de loi 2026 pour réduire l'endettement de la France, et l'annonce, "en accord avec le président de la République", d'avoir recours à l'article 49.1 de la Constitution pour engager la responsabilité de son gouvernement devant le Parlement en lui soumettant un vote de confiance le 8 septembre (deux jours avant le mouvement Bloquons Tout), l'avenir de François Bayrou s'assombrit. Olivier Faure, premier secrétaire du PS a même évoqué sur France 2 "un type qui se suicide." Une manière d'exprimer que le Premier ministre souhaite "mourir avec ses idées" plutôt que de céder du terrain ?

Une censure quasi certaine : quel scénario pour la suite ?

Pour nombre d'observateurs, la censure des députés sera inévitable après ce vote de confiance, toute la gauche et une partie de la droite (UDR, RN) annonçant déjà penser à la suite...  Mais justement, que peut-il se passer si censure il y a ? Nous avons posé la question à Olivier Rouquan, politologue, constitutionnaliste et conférencier.

Planet.fr : Selon vous, quels sont les scénarios envisageables si ce vote de confiance échoue ?

Olivier Rouquan : Tout d'abord, il y aura la présentation de la démission de François Bayrou et de son gouvernement en application de l'article 50 de la Constitution. Puis se posera la question de la gestion des affaires courantes. Il faudra trouver un Premier ministre, ou il peut y avoir une dissolution de l'Assemblée. La logique institutionnelle est celle-ci.

Planet.fr : Vous n'en voyez pas un se dégager en particulier ?

Olivier Rouquan : On ne peut pas prévoir des évènement inédits par définition. Evidemment en évoquant ces scenarii institutionnels on ne méprise pas les autres possibilités. Mais ce que j'ai évoqué est aujourd'hui ce qui semble le plus probable. Un scénario "normal."

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Planet.fr : Voyez-vous Macron refuser la démission du gouvernement ?

Olivier Rouquan : Il peut la refuser mais pour renommer François Bayrou et franchement je ne vois pas trop l'intérêt d'un tel bras de fer.

Nouveau gouvernement ou dissolution : les seules alternatives ?

Planet.fr : Nous allons donc vers la nomination d'un nouveau gouvernement - Sébastien Lecornu est à nouveau cité comme potentiel Premier ministre - ou vers une dissolution ? Il n'y a pas d'autre alternative ?

Olivier Rouquan : J'ai beau faire marcher mon imagination, je n'en vois pas d'autre. Hormis s'il renomme François Bayrou et refuse la démission. Mais le sens de l'outil qu'est le vote de confiance est justement cette démission. Un Président qui agirait ainsi irait à l'encontre de toute la logique républicaine. Ce serait en plus paradoxal car le pouvoir présidentiel n'est pas en position de force, tant dans son bilan, qu'auprès des autres partis politiques et des électeurs.

Planet.fr : Entre la dissolution et un nouveau gouvernement, quel serait le choix d'Emmanuel Macron ? Gérald Darmanin déclarait mardi qu'il ne voyait que le premier comme solution ?

Olivier Rouquan : Pour la première partie de votre question, je ne suis pas encore capable de le dire. Concernant Darmanin, il est comme tous les acteurs, commentateurs, observateurs, il parle chemin faisant. Nous sommes dans une situation désordonnée et on ne voit pas quel début de dénouement il pourrait y avoir. Darmanin a dû proposer ce qui se présentait à lui de plus logique...

Une prise de pouvoir d'Emanuel Macron : "les conditions ne sont pas requises"

Planet.fr : Certains commentateurs ont évoqué la possibilité pour Emmanuel Macron d'invoquer l'article 16 afin d'obtenir des pouvoirs étendus. C'est réaliste ?

Olivier Rouquan : Non, il faut que cela soit justifié. Il y a des conditions qui sont inscrites dans la Constitution et objectivement elles ne sont pas réunies (menaces graves et immédiates, interruption des pouvoirs publics, mise en cause des équilibres institutionnels et de l'autonomie nationale...). Qui plus est depuis 2008, ces conditions sont à moyen terme vérifiées par le Conseil constitutionnel. L'article 16 est hors de portée.

Planet.fr : Dans le cas où Emmanuel Macron nomme un nouveau gouvernement, va-t-il rester sur la même ligne que François Bayrou ou y'aura-t-il du changement, soit moins de mesures d'austérité ?

Olivier Rouquan : S'il y a encore un socle commun, le sens de ce "réalisme", c'est quand même de prendre en compte l'environnement, en fait les marchés, c'est-à-dire les prêteurs. Et ces prêteurs, notamment via les agences de notation font savoir que le climat politique en France devenu un problème pour eux.

Planet.fr :  Et ils ne sont pas les seuls...

Olivier Rouquan : Malheureusement non. Il y a notre environnement européen, l'OCDE et d'autres nous disent qu'il faut rationnaliser nos finances publiques. Cela nous est répété à l'envi, particulièrement depuis l'après bouclier tarifaire mais depuis plus longtemps, même.

Le flou persistera jusqu'au 8 septembre

Planet.fr :  Pour certains économistes, un effort de 20-25 milliards au lieu des 43 milliards voulus par Bayrou serait suffisant aux yeux du FMI ou de la BPCE. Cela vous paraît crédible ?

Olivier Rouquan : Peut-être, mais pour y arriver il faut qu'il y ait des discussions parlementaires. N'importe quel gouvernant, que ce soit Bayrou ou un autre sera obligé de lâcher du lest. S'il part à 20 par exemple, il n'arrivera pas à 20...

Planet.fr : Pour l'instant, finalement, on reste dans le flou ?

Olivier Rouquan : C'est le moins qu'on puisse dire. Nous sommes arrivés à un moment politique qui est marqué par un degré d'incertitude qui a chaque fois augmente, je dis bien augmente, depuis au moins 2024. Du fait d'une majorité incertaine puis introuvable, notamment, mais pas seulement. Du fait aussi que les acteurs politiques aujourd'hui ont une légitimité assez faible et que leur stratégie pour certains est de polariser le jeu politique, donc de radicaliser les propos. Ajouté au contexte économique, cela rend les évènements assez illisibles pour les commentateurs et observateurs.

 

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