Le secret des « ventres-de-grand-mère » : l’ingénieuse raison qui se cache derrière ces grilles de fenêtre bombées
En vous promenant dans les rues de Paris, Bordeaux ou du sud de la France, votre regard s'est sans doute déjà attardé sur ces grilles de fenêtre bombées qui ornent les façades des rez-de-chaussée. Leur forme arrondie et généreuse leur a valu un surnom aussi imagé qu'affectueux : les « ventres-de-grand-mère ».
On pourrait croire à un simple effet de style, une coquetterie architecturale d'un autre temps. Pourtant, cette courbure est loin d'être un hasard. Elle est le fruit d'une ingéniosité redoutable, une réponse pragmatique à des défis bien réels de la vie urbaine des XVIIIe et XIXe siècles. On fait le point sur la surprenante origine de ces grilles, aussi appelées « grilles en corbeille » ou « culs-de-bouteille ».
Pourquoi une forme si particulière ?
Pour comprendre la raison d'être des grilles de fenêtre bombées, il faut remonter le temps. Apparues sous l'Ancien Régime, elles se sont surtout popularisées au XVIIIe puis au XIXe siècle, en raison du développement de la ferronnerie. À cette époque, les villes se densifient et la question de la sécurité devient primordiale, notamment pour les appartements situés au niveau de la rue, plus exposés aux intrusions.
La première fonction de ces ouvrages en fer forgé était donc de protéger les habitants. Leur forme bombée rendait l'escalade bien plus complexe pour un cambrioleur qu'une grille plate. De plus, cette structure en trois dimensions offrait une meilleure résistance mécanique, la rendant plus difficile à forcer. C'était une solution efficace pour savoir comment sécuriser une fenêtre au rez-de-chaussée ancien.
Mais l'astuce ne s'arrête pas là. Le renflement vers l'extérieur permettait de laisser les fenêtres entrouvertes en toute sécurité. Une véritable aubaine pour assurer la ventilation naturelle des pièces, même en l'absence des occupants. C'était une astuce pour aérer sa maison sans risque de vol, combinant la sécurité des logements anciens et une ventilation essentielle.
Un gain de place et de confort inattendu ?
Au-delà de la sécurité, la fonction des grilles en fer forgé du 18e siècle était aussi d'optimiser un espace de vie souvent exigu. Dans les logements anciens où chaque centimètre carré comptait, cette courbure vers l'extérieur évitait de perdre de la place sur l'embrasure intérieure de la fenêtre.
Cet espace supplémentaire, gagné entre la vitre et les barreaux, s'est rapidement transformé en une sorte de mini-étagère multifonction. Son usage le plus connu est bien sûr celui de jardinière, permettant d'égayer la façade avec des fleurs ou de cultiver des herbes aromatiques à portée de main.
Mais il servait aussi de garde-manger extérieur improvisé. On pouvait y déposer des bouteilles, des fruits ou d'autres denrées pour les conserver au frais, loin de la chaleur du logis. Une pratique qui perdure parfois aujourd'hui, certains y installant même, de manière sécurisée, le bloc extérieur de leur climatiseur.
Où peut-on encore admirer cet héritage ?
Aujourd'hui, ces « ventres-de-grand-mère » témoignent d'un savoir-faire qui alliait l'utile à l'agréable. La ferronnerie d'art n'était pas seulement décorative avec ses volutes et ses motifs ; elle était profondément fonctionnelle, pensée pour améliorer le quotidien des citadins.
Si vous souhaitez savoir où trouver des grilles de fenêtre en corbeille, il suffit de lever les yeux dans les centres historiques. Elles sont particulièrement nombreuses à Paris, notamment dans les 5e, 11e et 18e arrondissements, mais aussi dans le Vieux-Bordeaux ou les ruelles de nombreuses villes du sud de la France.
Vous l'aurez compris, ces structures ne sont pas de simples vestiges du passé. Elles sont la preuve que le design, même ancien, peut apporter des solutions durables et pleines de bon sens à des problèmes universels de sécurité, d'aération et d'optimisation de l'espace.