Ces biens qu'il est déconseillé de léguer sous peine de mauvaise surprise
Hériter d’un patrimoine peut sembler, à première vue, une bénédiction. Pourtant, tous les biens ne constituent pas forcément un cadeau. Dans certains cas, transmettre un bien à ses enfants peut s’avérer plus pénalisant qu’enrichissant. Alors les Français sont de plus en plus attentifs à la gestion de leur succession, il est essentiel de comprendre que tout patrimoine n’a pas la même valeur… ni les mêmes conséquences.
Transmettre, c’est avant tout anticiper. Un legs mal préparé peut rapidement devenir un fardeau pour les héritiers, qu’il s’agisse de dettes, de charges fiscales, de biens encombrants ou encore de responsabilités administratives lourdes. Or, ces difficultés peuvent facilement être évitées en prenant le temps de faire le tri entre ce qui mérite d’être transmis et ce qu’il vaut parfois mieux céder de son vivant.
Des biens difficiles à entretenir ou porteurs de dettes
L’un des cas les plus fréquents concerne les biens immobiliers situés en zone rurale ou dans des régions en déclin démographique. Ces maisons de campagne ou immeubles de rapport, autrefois perçus comme des richesses, peuvent aujourd’hui se transformer en pièges. Difficultés à les louer, charges d’entretien importantes, impôts fonciers en hausse et marché de la revente en berne rendent ces biens peu attractifs. Les enfants qui héritent de ce type de patrimoine se retrouvent parfois contraints de vendre dans l’urgence, souvent à perte, ou de supporter pendant des années un bien qu’ils n’utilisent pas et qu’ils ne parviennent pas à valoriser.
Plus délicats : les biens grevés d’hypothèques. Qu’il s’agisse d’un appartement, d’une maison ou même d’un terrain, certains biens immobiliers transmis aux héritiers sont en réalité porteurs de dettes. Une hypothèque est une garantie prise par un créancier (généralement une banque mais cela peut-être fait par le Trésor public en cas de dettes fiscales) pour couvrir un prêt ou des dettes fiscales. À la mort du propriétaire, cette dette n’est pas effacée. Elle suit le bien, et se retrouve donc transmise aux héritiers. Ces derniers devront soit assumer les remboursements restants, soit vendre rapidement le bien pour rembourser le prêt en cours ou les dettes contractées. Dans certains cas, le produit de la vente ne couvre même pas l’intégralité de la dette, ce qui oblige les héritiers à combler la différence ou à renoncer à la succession dans son ensemble.
Autre écueil souvent sous-estimé : les biens à forte charge émotionnelle. Un appartement parisien rempli de souvenirs, une maison de famille au bord de la mer ou même une collection d’œuvres d’art peuvent diviser une fratrie. Lorsqu’aucun des enfants ne souhaite renoncer à ces biens mais qu’ils ne peuvent être partagés matériellement, les conflits ne sont jamais loin. La mésentente peut aller jusqu’à bloquer les procédures de succession pendant des mois, voire des années. En transmettant ce type de patrimoine sans prévoir de cadre précis, on peut involontairement semer la discorde.
Contrairement à une idée reçue, les dettes se transmettent. Un parent qui laisse derrière lui des emprunts non remboursés, des découverts bancaires ou des arriérés d’impôts lègue aussi ses obligations financières. Les enfants ont, bien sûr, la possibilité de refuser une succession, mais la démarche reste méconnue et peut être complexe. Pire encore : lorsqu’un héritier accepte une succession sans en connaître le détail, il engage sa responsabilité sur ses biens propres. Le piège est donc réel pour les familles peu informées.
Le don manuel, coup de pouce ou cadeau empoisonné ?
À ces écueils matériels s’ajoute une forme de transmission dont on parle moins : le don manuel. Il s’agit de ces gestes généreux, souvent spontanés, par lesquels un parent remet à son enfant une somme d’argent, un bijou de valeur ou tout autre bien mobilier, sans passer par un notaire. Très courant dans les familles, le don manuel est vu comme une aide ponctuelle ou un coup de pouce. Pourtant, mal géré, il peut gravement déséquilibrer la succession. En effet, tout don est juridiquement une avance sur héritage. Non déclaré, un don manuel peut entraîner une inégalité entre les héritiers, voire des contestations après le décès du donateur.
Fiscalement, le don manuel est encadré. Il doit être déclaré à l’administration via un formulaire spécifique, ce qui permet de bénéficier d’abattements et de faire courir le délai de 15 ans avant un nouveau don exonéré. Si cette formalité est négligée, les conséquences peuvent être lourdes. L’administration peut exiger des droits supplémentaires, assortis de pénalités, en cas de contrôle. Et si un héritier découvre un don dissimulé, il peut exiger qu’il soit rapporté à la succession, déclenchant parfois des conflits familiaux majeurs.
Le flou autour des dons manuels, leur fréquence et leur caractère souvent informel en font donc un terrain miné s’ils ne sont pas gérés avec rigueur et équité. Il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions : transmettre de l’argent ou des objets de valeur à un seul enfant, sans formalisation ni discussion, peut laisser des traces au moment du règlement de la succession.