Prostitution : le RN propose la réouverture des maisons closes pour "sécuriser les professionnels"
Le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, a révélé Le Monde, avance sur la préparation d'une proposition de loi pour la réouverture des maisons closes, un sujet qui divise profondément la société. Soutenue par Marine Le Pen d'après BFM TV, cette initiative s'oppose frontalement à la législation actuelle qui pénalise les clients. L'objectif affiché est de mieux protéger les travailleurs et travailleuses du sexe, mais ses détracteurs y voient un dangereux retour en arrière. Ce débat fait écho à la loi Marthe Richard de 1946, qui avait mis fin à un siècle de tolérance réglementée.
Une proposition pour sortir de "l'horreur quotidienne"
Au cœur de la proposition se trouve un concept inédit remplaçant le terme de "maisons closes" : un "mode coopératif pour le sexe tarifé." Selon Jean-Philippe Tanguy, ces établissements seraient "tenus par les prostituées elles-mêmes", leur permettant d'accéder à un statut social et de contrôler leurs conditions de travail. Cette volonté est présentée comme une réponse directe à ce que le parti considère comme l'échec de la législation actuelle.
Le député dénonce la "précarité, la souffrance, l’horreur quotidienne" et les violences que subiraient les personnes prostituées, estimant que la loi de 2016 les a poussées à plus de clandestinité et de vulnérabilité. En France, la prostitution concernerait entre 35 000 et 40 000 personnes, et 1 579 victimes de proxénétisme ont été recensées en 2024, selon un rapport de l'Observatoire des violences faites aux femmes.
Un choc frontal avec le modèle abolitionniste français
Le projet du RN vient heurter de plein fouet la philosophie de la loi du 13 avril 2016, qui a instauré un modèle dit "néo-abolitionniste". Ce texte a marqué un tournant majeur en déplaçant la responsabilité pénale de la personne prostituée vers "l'acheteur." Le délit de racolage passif a été supprimé et a été instaurée une sanction pour les clients. L'amende pour un client de prostituée(e) pris sur le vif en France est une contravention de 5e catégorie, fixée à 1 500 euros et pouvant atteindre 3 750 euros en cas de récidive. En 2021, Public Sénat évoquait la réussite de cette loi comme "en demi-teinte."
"Aujourd'hui les personnes qui sont prostituées sur internet ou dans des réseaux d'exploitation de rue sont évidemment dans une insécurité grandissante", développe Sébastien Chenu cité par Ici. "Face à ça, il faut trouver des réponses. Or, taper le client ou taper les prostitués n'est pas la solution" constate-t-il.
Des exemples étrangers qui divisent
Les conséquences de la loi 2016 sur la prostitution sont au centre des arguments des deux camps. Pour les associations abolitionnistes, comme la CFDT, la proposition du RN est une régression qui légaliserait "l'industrie du sexe" et ne mettrait pas fin au proxénétisme. Elles craignent un recul dans la lutte contre la traite des êtres humains. "La prostitution, ça n'est ni du travail ni du sexe", a réagi la secrétaire générale du syndicat Marylise Léon sur France Info. "En termes de respect du droit des femmes et du corps des femmes, ce n'est pas un projet de travail. Que le RN ne parle du travail des femmes qu'en ces termes. Je trouve que c'est assez révélateur de leur image de la femme dans la société."
À l'inverse, les partisans d'une réglementation s'appuient sur des modèles étrangers. En Allemagne, la légalisation de 2002 permettrait à environ 200 000 personnes d'exercer légalement. Aux Pays-Bas, 80 % des travailleuses du sexe préféreraient le système légal et encadré. Le débat pourrait s'intensifier au Parlement, d'autant que d'autres initiatives, comme celle du député LR Philippe Juvin, émergent également, comme le révèle France Info.