Ce pays voisin de la France encadre la prostitution et ça fonctionne

Publié par Elise Laurent
le 15/12/2025
Prostitution
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Alors que le débat sur la prostitution ressurgit en France, relancé par une proposition de loi du Rassemblement national, la Suisse voisine a fait depuis longtemps le choix de la légalisation et de l’encadrement. Un modèle assumé, structuré et économiquement rentable.

En Suisse, la prostitution est légale et reconnue comme un service à la personne, à condition qu’elle soit volontaire et exercée de manière indépendante. Dans des établissements strictement encadrés, l’activité s’organise sans tapage. À Lausanne, le salon de massage érotique Body Play illustre ce fonctionnement réglé au millimètre, loin des fantasmes et du désordre souvent associés à ce milieu, comme l’a constaté Le Parisien.

Installé dans un quartier résidentiel, entre rails de métro et voies ferrées, le Body Play fonctionnerait en France comme une maison close. Ici, tout est pensé pour éviter les débordements : les clients ne se croisent jamais et les prestations s’enchaînent avec une précision quasi administrative. "Légale mais encadrée", résume son propriétaire Loïc Duc, interrogé par le média.

Le gérant assume pleinement son activité. Avocats, chefs d’entreprise ou retraités fréquentent l’établissement. En Suisse, cette transparence ne choque pas. La prostitution y est déclarée, taxée, surveillée par les autorités cantonales, qui en définissent les règles et les zones autorisées. Ce modèle helvète tranche avec la situation française, où la loi de 2016 pénalise les clients et prétend protéger les prostituées. Près de dix ans plus tard, le Rassemblement national relance le débat en proposant la réouverture de "maisons closes" sous forme de coopératives. Une idée largement rejetée, mais qui remet sur la table la question de la régulation.

"Sur la prostitution, c’est le jour et la nuit entre la France et la Suisse", assure Pénélope Giacardy, responsable de l’association genevoise Aspasie, citée par Le Parisien. Selon elle, la légalisation permet surtout de mieux protéger les travailleuses du sexe, sans chercher à faire disparaître une activité qui existe de toute façon.

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Un marché structuré et lucratif

Au Body Play, les tarifs sont clairement affichés : 150 francs suisses (160 euros) pour vingt minutes, jusqu’à 400 francs (428 euros) pour une heure complète incluant plusieurs prestations. Les hôtesses, majoritairement françaises, disposent de fiches détaillées en ligne. Nina, 42 ans, venue d’Annecy, revendique son choix et affirme "aimer son boulot".

En contrepartie, le salon prélève 35 % sur chaque prestation. "Mais ça peut grimper à 40 voire 50 %", alerte Pénélope Giacardy. Un système qui peut créer une dépendance économique. Certaines préfèrent louer une chambre, parfois à des tarifs exorbitants, pour conserver l’intégralité de leurs revenus.

Encadrer pour mieux protéger

Pour limiter ces dérives, l’association Aspasie a créé la fondation Philénis et racheté plusieurs immeubles à Genève afin de proposer des lieux sûrs, à loyers modérés. Le Barillon, entièrement dédié à la prostitution légale, offre sécurité, logements décents et bouton d’urgence dans chaque chambre.

"Rien qu’en pratiquant des loyers raisonnables, on parvient à se dégager un petit bénéfice", explique Pénélope Giacardy. Nina, elle, affirme gagner entre 7 000 et 12 000 euros par mois. Un revenu confortable, qui nourrit le débat sans pour autant gommer la complexité des parcours individuels.

Si le "modèle suisse "intrigue en France, son importation semble peu probable. "Une question de mentalités", tranche Nina. En Suisse pourtant, la prostitution ne suscite guère de polémique. "Dans les réunions de quartier, ce n’est jamais un problème", conclut Pénélope Giacardy.
 

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