Pesticides : un établissement scolaire sur quatre exposerait plus de 1,7 million d’élèves à un niveau élevé de contamination
L'école de Barcy, en Seine-et-Marne, se trouve à moins de 100 mètres de la première parcelle traitée. Ce cas est loin d'être isolé. Alors que l'on imagine souvent les cours de récréation comme des sanctuaires, la réalité géographique est tout autre pour une grande partie du territoire. C'est le constat dressé par une enquête d'ampleur qui vient bousculer les certitudes des parents et des élus locaux.
Ce nouveau baromètre met en lumière une proximité troublante entre les lieux d'apprentissage et les zones d'épandage intensif. Mais que signifient réellement ces données pour la santé des plus jeunes et comment interpréter ces cartes ? On fait le point sur cette situation qui concerne des milliers de familles.
Quelle est l'ampleur du phénomène ?
Les chiffres donnent le vertige. Selon les données révélées, au moins 1,76 million d’élèves sont scolarisés dans un établissement soumis à une "pression forte" aux pesticides. Cela représente environ 15 % des effectifs scolaires (hors Outre-mer). Concrètement, près d'un site sur quatre en France se trouve dans ce périmètre d'exposition élevée.
Ce constat inquiétant soulève inévitablement la question du nombre d'élèves exposés aux pesticides en France, qui s'avère bien plus important que les estimations précédentes ne le laissaient supposer. Les zones rurales et rurbaines, où l'habitat et les cultures s'imbriquent, sont en première ligne. Les élèves de maternelle et du primaire, souvent scolarisés près de leur domicile dans ces communes, sont donc particulièrement concernés par cette cohabitation forcée.
Comment la "pression" est-elle mesurée ?
Pour arriver à ces conclusions, il a fallu croiser des millions de données. C'est tout l'enjeu de la méthodologie du baromètre Le Monde sur les pesticides à l'école, publié en décembre 2025. Fruit d'une collaboration avec une dizaine d'experts, cet outil ne se contente pas de mesurer la distance, mais l'intensité des pratiques agricoles.
Le classement s'appuie sur l'indice de fréquence de traitement IFT autour des établissements scolaires. Calculé sur la période 2019-2022 dans un rayon de 1 000 mètres autour des écoles, cet indicateur reflète le nombre de doses de référence appliquées par hectare. Une "pression forte" équivaut à une situation où chacun des 314 hectares entourant l’école aurait reçu au moins un traitement à pleine dose par an. Sans surprise, les bassins viticoles, les plaines céréalières et les zones d'arboriculture fruitière figurent parmi les secteurs où l'indice est le plus élevé.
Faut-il s'alarmer pour la santé des enfants ?
Face à ces cartes colorées de rouge, de nombreux parents cherchent à comprendre comment savoir si mon école est concernée par les pesticides et si cela implique un danger immédiat. Il est crucial de garder la tête froide : cet outil est un indicateur d'usage agricole, et non un bilan de santé individuel.
Karine Princé, chargée de recherche au Muséum national d'histoire naturelle, appelle à la nuance : "Cela ne signifie pas que chaque enfant est en danger", précise-t-elle au Monde. Toutefois, s'interroger sur les conséquences de la pression pesticides autour des écoles est légitime. Les enfants sont physiologiquement plus vulnérables aux polluants environnementaux que les adultes. Même si la présence de cultures traitées ne vaut pas diagnostic toxicologique, elle matérialise une exposition potentielle chronique qui préoccupe les spécialistes.
Quelles actions mener aujourd'hui ?
Ce baromètre ne sort pas de nulle part. Il fait écho aux résultats de l'étude PestiRiv sur l'imprégnation aux pesticides des riverains, publiée en septembre 2025 par Santé publique France et l'Anses. Celle-ci avait déjà mis en évidence une surexposition des enfants de 3 à 6 ans vivant à proximité des vignes.
La publication de ces données géographiques offre un levier d'action inédit pour les familles. L'objectif est désormais de faire de la protection des enfants contre les pesticides en milieu scolaire une priorité locale et nationale. En disposant de ces informations, les parents sont invités à demander des comptes aux pouvoirs publics pour exiger des politiques plus ambitieuses, comme l'élargissement des zones de non-traitement ou l'incitation au bio autour des groupes scolaires.