Nicolas Sarkozy bientôt radié de son métier d'avocat ?

Publié par Matthieu Chauvin
le 19/12/2025
Nicolas Sarkozy
abacapress
Un collectif d'avocats vient de saisir la procureure générale de Paris pour réclamer l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre Nicolas Sarkozy. Ses "collègues" estiment que ses condamnations définitives dans deux affaires portent préjudice à l'ensemble de la profession. Il risque la radiation mais cela peut-il vraiment lui arriver ?
 
 

Condamné définitivement dans les affaires Bygmalion et "Paul Bismuth", Nicolas Sarkozy est aujourd'hui visé par un collectif de neuf avocats parisiens pour un manquement supposé au "principe de probité", rapporte l'AFP, confirmant une exclusivité de L'Informé. Alors que ses activités de conseil et de conférencier peuvent se poursuivre, cette initiative "confraternelle" pose une question inédite sur l'exemplarité due à la robe. Les manquements aux règles déontologiques de la profession entraînent des sanctions qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction totale d'exercer. 

Une enquête déontologique réclamée par neuf confrères

C'est une initiative rare au sein de la famille judiciaire. Ce mardi 16 décembre 2025, le collectif en question a officiellement saisi la justice pour demander des comptes à l'Ordre de avocats. Leur cible est l'un des leurs : Nicolas Sarkozy, inscrit au barreau de Paris depuis 1981 sous le numéro de toque R175. Selon les informations rapportées par Libération, ces professionnels du droit estiment que le maintien de l'ancien chef de l'État au tableau des avocats est incompatible avec ses récents déboires judiciaires.

Au cœur de leur argumentation se trouvent les deux condamnations pénales définitives prononcées contre l'ex-président : l'une pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite "Paul Bismuth", et l'autre pour financement illégal de campagne dans le dossier Bygmalion. Pour les signataires, dont maîtres Jérôme Karsenti et Jérôme Giusti, il est impératif de lancer une procédure disciplinaire contre Nicolas Sarkozy.

Pour maître Karsenti, "Non, Nicolas Sarkozy ne peut plus incarner la profession, il n’a plus le droit d’être avocat. On a un code de déontologie qui dit que la probité fait partie de notre fonction." Pour son homologue, "Etre condamné une première fois pénalement, c’est déjà un manquement déontologique. Etre condamné plusieurs fois et que rien ne soit fait… vraiment, c’est affligeant."

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La probité comme principe cardinal de la profession

Si cette démarche fait grand bruit, c'est qu'elle touche aux fondements mêmes de la robe. L'article 1 du décret n° 2023-552 portant Code de déontologie impose aux avocats de respecter cinq principes essentiels : dignité, conscience, indépendance, humanité et probité. C'est précisément ce dernier point qui est soulevé ici. Le principe de probité des avocats en France ne se limite pas aux agissements dans les prétoires.

En effet, l'article 183 du décret de 1991 est formel : un manquement peut être constitué par toute infraction aux règles professionnelles ou à l'honneur, "même se rapportant à des faits extraprofessionnels". Ainsi, bien que les faits reprochés à Nicolas Sarkozy aient été commis en dehors de sa pratique stricte d'avocat (notamment durant ses campagnes ou ses mandats), ils peuvent justifier une sanction disciplinaire si l'Ordre estime que l'image de la profession est atteinte.

Des doutes quant à l'issue d'une procédure 

Ce mécanisme met en lumière le rôle de la procureure générale dans la discipline de l'avocat. Comme le rappelle l'ancien bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, le Parquet Général a pour mission de transmettre "les condamnations pénales définitives à l'Ordre pour que ce dernier donne une suite disciplinaire". C'est cette étape que le collectif accuse le Parquet d'avoir tardé à enclencher. 

Il précise auprès de nos confrères : "La procureure générale se serait de toute façon saisie", lui pour qui "il est indispensable que Nicolas Sarkozy puisse comparaître en étant assisté au cours d’une audience du Conseil de discipline."

Radiation ou suspension : l'échelle des peines

Si la procédure venait à être instruite, la décision finale reviendrait exclusivement à la juridiction disciplinaire, c'est-à-dire au Conseil de l'Ordre siégeant en formation disciplinaire. Il n'y a aucun automatisme : une condamnation pénale n'entraîne pas de facto la perte de la robe. Les juges disciplinaires devront évaluer si les faits constituent une faute déontologique et mesurer les conséquences des condamnations pénales pour l'avocat mis en cause.

L'article 184 du décret de 1991 prévoit une hiérarchie précise des sanctions possibles :

  • l'avertissement ;
  • le blâme ;
  • l'interdiction temporaire d'exercice (limitée à trois années maximum) ;
  • la radiation du tableau des avocats.

Cette dernière option est la plus lourde : elle interdit définitivement l'exercice de la profession. Si l'instruction conclut à la gravité des faits, une sanction de radiation du barreau de Paris pour atteinte à la probité pourrait être prononcée, marquant une fin de carrière juridique abrupte pour l'ancien président. Maître Giusti conclut : "Nous considérons que nous sommes victimes en tant qu’avocats. Maintenir Nicolas Sarkozy, c’est porter atteinte au barreau de Paris et à notre profession."

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