Le journal d'un prisonnier : les extraits croustillants du livre de Nicolas Sarkozy
Condamné en septembre dernier pour "association de malfaiteurs" dans l'affaire du financement libyen de sa campagne 2007, Nicolas Sarkozy publie aux éditions Fayard Le journal d'un prisonnier, le récit de ses trois semaines passées derrière les barreaux. Mais au-delà de la description de l’univers carcéral, l’ouvrage de 216 pages est aussi pour l'ancien président un moyen de régler des comptes et, surtout, il marque une rupture idéologique majeure pour la droite française.
Le choc carcéral : 21 jours dans le gris et le bruit
Incarcéré du 21 octobre au 10 novembre à la prison de la Santé, Nicolas décrit une épreuve psychologique intense. Placé à l’isolement 23 heures sur 24 sous le matricule 320 535, il raconte un quotidien dévoré par la morosité. Dans le contenu son livre, l'auteur insiste sur l'atmosphère oppressante des lieux. "Je fus frappé par l'absence de toute couleur. Le gris dominait tout, dévorait tout", écrit-il, évoquant également le bruit constant qui règne en détention.
Pour tenir le coup, Nicolas Sarkozy explique s’être réfugié dans la foi et la prière afin de porter ce qu'il qualifie de "croix de cette injustice". Les conditions de détention de l'ancien président de la République sont décrites sans fard, peignant le portrait d'un homme coupé du monde, cherchant des ressources dans son fort intérieur.
Dans un extrait paru dans le JDD, on apprend qu'il a notamment lu Lettre à un otage d'Antoine de Saint-Exupéry. Il compare le désert de l'écrivain-aventurier à sa propre expérience : "À l'image du désert, la vie intérieure se fortifie en prison. Il n'y a pas d'alternative pour celui qui refuse d'être brisé par l'épreuve comme par l'enfermement. C'était devenu mon mantra [...] Essayer à tout prix d'être gouverné par l'Esprit et non par le moral du moment. Surtout ne pas demeurer enfermé, s'évader par la pensée, se laisser emporter par les forces invisibles."
Une lutte permanente contre l'enfermement
C'est sans doute l'épreuve la dure pour Nicolas Sarkozy pendant ces presque trois semaines : "Chacun devrait prendre le temps de réfléchir à l'enfermement, au face-à-face avec soi-même qu'il impose, à la disponibilité d'esprit qu'il autorise et qui permet de percevoir de nouvelles émotions. La prison fut pour moi une épreuve que j'ai essayé de rendre la plus productive possible. On a coutume de dire que l'on apprend à tout âge. C'est vrai, car j'ai beaucoup appris à la Santé, sur les autres comme sur moi-même."
De traitement particulier, il assure ne pas en avoir bénéficié : "Ma cellule était celle des autres détenus. Elle n'avait pas été construite pour moi. Mon quotidien était le même si ce n'est que mon régime était plus sévère. Ainsi, à la différence du quartier des personnes vulnérables ou VIP, ma porte était constamment fermée. Je ne pouvais jamais quitter ma cellule et déambuler dans le couloir. J'avais plutôt moins de droits que les autres détenus."
Un hommage aux surveillants
Tout de même, Nicolas Sarkozy rend hommage au personnel pénitentiaire : "Au moment où je pénétrais à l'intérieur des murs, je fus aussitôt entouré par le personnel pénitentiaire en charge de ma surveillance. Ils étaient quasiment tous originaires des territoires ultramarins. Grands gabarits, souriants et sympathiques. Je serrai la main de chacun. J'ai senti leur empathie embarrassée et leur étonnement de me voir incarcéré."
Un appel secret et la fin du barrage républicain
C’est toutefois sur le terrain politique que le livre frappe le plus fort. L’ex-chef de l’État relate un échange entre lui-même Emmanuel Macron survenu quatre jours seulement avant son entrée en prison. Il s’étonne que l’actuel président se soit inquiété de sa sécurité si tardivement : "Il était bien temps de s'en préoccuper !", lance-t-il avec amertume.
Plus explosif encore, il dévoile la teneur d'un échange téléphonique avec Marine Le Pen. À la leader du RN qui le soutenait, l'ancien président a formulé une réponse claire concernant l'avenir. Cette promesse de Nicolas Sarkozy sur son éventuel soutien à un front républicain est sans équivoque : "Non, et de surcroît je l'assumerai en prenant le moment venu une position publique sur le sujet." Une phrase qui enterre symboliquement la stratégie du cordon sanitaire habituelle et met déjà la pagaille dans son propre camp.