Une propriétaire condamnée à un an de sursis pour avoir expulsé un squatteur par la force

Publié par Elise Laurent
le 08/12/2025
Justice
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Le tribunal correctionnel de Bordeaux a rendu son verdict ce 28 novembre 2025 dans une affaire qui met en lumière le désarroi de certains propriétaires face à l'occupation illégale de leur bien. Alors que la loi anti-squat a été renforcée en 2023, ce jugement rappelle que toute action d'expulsion forcée reste lourdement sanctionnée par la loi.
 

Le verdict a été rendu le 28 novembre dernier par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Karine L., 55 ans, a été reconnue coupable de complicité de violences aggravées et condamnée à 12 mois de prison avec sursis. Elle devra également verser 1 200 euros de dommages et intérêts au squatteur qu'elle cherchait à déloger. Les deux hommes qu'elle avait recrutés pour 5 000 euros ont eux aussi écopé de peines de prison avec sursis, de 10 et 12 mois.

Les faits remontent à plusieurs mois, dans la commune d'Andernos-les-Bains (Gironde). Désemparée de voir la maison dont elle venait d'hériter occupée illégalement, la propriétaire avait fait appel à des "hommes de main". L'intervention, menée notamment avec du gaz lacrymogène, s'est soldée par des violences qui ont valu trois jours d'Incapacité Totale de Travail (ITT) au squatteur. Ce dernier a alors déposé plainte, entraînant la condamnation de la propriétaire pour violences sur le squatteur à Andernos.

Se faire justice soi-même : un délit lourdement sanctionné

Lors de l'audience, Karine L. a exprimé son désarroi face à une situation qu'elle jugeait inextricable. Selon le journal Sud Ouest, elle aurait tenté de porter plainte auprès des gendarmes avant les faits, qui lui auraient répondu que "l'occupant était légalement chez lui. Imaginez ma colère madame la présidente", a-t-elle rapporté au tribunal. Ce sentiment d'impuissance l'a poussée à agir hors du cadre légal, une décision aux conséquences pénales sévères.

En effet, la loi interdit formellement de se faire justice soi-même. Le fait d'expulser un occupant par la force, de changer les serrures ou de couper l'eau et l'électricité constitue un délit d'expulsion illégale. L'article 226-4-2 du Code pénal est très clair sur ce que risque un propriétaire qui expulse un squatteur de force : la peine peut atteindre trois ans de prison et 30 000 euros d'amende. Dans ce cas précis, le recours à des tiers et l'usage de la violence ont aggravé les faits. Ironiquement, depuis la loi "anti-squat" de 2023, le squatteur lui-même encourt une peine de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

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La procédure administrative : une voie légale et plus rapide

Malgré l'exaspération que peut provoquer une situation de squat, il est impératif de suivre la voie légale. La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 a justement été conçue pour accélérer les démarches et protéger les propriétaires de résidences principales comme secondaires. La procédure d'expulsion d'un squatteur se déroule en trois étapes clés :

  1. Porter plainte : Le propriétaire doit d'abord déposer plainte pour violation de domicile au commissariat ou à la gendarmerie, en fournissant une preuve de sa propriété (titre de propriété, attestation fiscale) et en faisant constater l'occupation illicite.
  2. Saisir le préfet : Une fois la plainte déposée, le propriétaire doit demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter le logement. Le préfet dispose alors de 48 heures pour prendre sa décision.
  3. Expulsion forcée : Si le préfet accepte la demande, il envoie une mise en demeure aux squatteurs, leur laissant un délai minimal de 24 heures pour partir. Passé ce délai, si le logement n'est pas libéré, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée sans délai.

Le jugement d'Andernos-les-Bains constitue donc un signal fort de la justice : même face à une situation illégale, nul ne peut contourner la loi, au risque de voir la situation se retourner contre lui.

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