Michelin fait un "don" de plus de 4 millions à l'État : ce n'est pas par générosité

Publié par Matthieu Chauvin
le 26/12/2025
Usine Michelin Clermont
Istock
Le ministère de l'Économie vient d'officialiser au Journal officiel l'acceptation d'un "don" de 4,3 millions d'euros de la part de Michelin. Mais pourquoi le géant du pneumatique de Clermont-Ferrand, par ailleurs en difficulté, a-t-il décidé de faire un tel geste ? Comme vous allez le constater, ce n'est pas par générosité.
 

Le vendredi 26 décembre a marqué l'épilogue administratif d'une affaire symbolique qui mêle industrie, fiscalité et éthique. Un arrêté ministériel a confirmé l'encaissement par l'État d'une somme importante versée par le géant du pneumatique Michelin, correspondant à un ancien avantage fiscal contesté. Un remboursement qui interroge la gestion des subventions aux entreprises.

Un virement officiel de 4,3 millions

C'est écrit noir sur blanc dans un texte paru ce vendredi. Bercy a validé la transaction via un arrêté explicite : "Est accepté le don d'une somme d'argent d'un montant de quatre millions trois cent mille euros." Ce virement, effectué le 11 décembre 2025, n'est pas un geste philanthropique classique. Il s'agit en réalité de la restitution d'un crédit d'impôt touché par le groupe industriel en 2015. L'arrêté au Journal officiel entérinant ce don de Michelin lié au CICE (Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi) met fin à plusieurs mois de discussions techniques entre l'entreprise et le ministère de l'Économie.

Comme le rapporte BFM Business, cette somme de 4 300 000 euros correspond exactement au montant perçu par le groupe il y a dix ans pour soutenir son activité en France. Ce remboursement intervient alors que le dispositif du CICE, remplacé depuis, a souvent été critiqué pour son manque de contrôle sur l'utilisation réelle des fonds par les bénéficiaires.

Une usine fermée, les machines transférées ailleurs en Europe

Au cœur du dossier se trouve le site vendéen du groupe. L'aide initiale devait soutenir la modernisation de l'outil de production. Or, la fermeture de l'usine de La Roche-sur-Yon a relancé le débat sur les aides publiques. En effet, après l'arrêt définitif de l'activité en décembre 2020, des équipements financés en partie par l'argent du contribuable ont pris une autre destination. Le transfert de machines Michelin à l'étranger malgré les aides publiques perçues a suscité une vive indignation.

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Selon Sud Ouest, ces machines ont été réaffectées vers des usines en Espagne, en Roumanie et en Pologne. Cette situation avait été pointée du doigt par une commission d'enquête parlementaire, mettant en lumière les failles du système de contrôle. C'est pour éteindre cet incendie médiatique et préserver son image que Michelin a procédé au remboursement du crédit d'impôt de 4,3 millions d'euros, une décision prise alors que rien ne l'y obligeait sur le plan strictement légal.

Un précédent pour les aides aux entreprises

Le CICE, en vigueur entre 2013 et 2019, ne prévoyait aucune clause de restitution en cas de fermeture de site. Le fabricant de pneus insiste donc sur le caractère "volontaire et exceptionnel " de sa démarche, motivée par un "souci de responsabilité", comme l'explique Capital. Juridiquement, l'État a dû accepter cette somme sous la forme administrative d'un "don" pour pouvoir l'intégrer au budget, faute de cadre légal pour un tel remboursement a posteriori.

Il reste désormais à analyser les conséquences de ce remboursement du CICE volontaire par Michelin sur l'avenir des relations entre l'État et les grands groupes. Ce précédent pourrait inciter les pouvoirs publics à durcir les conditions d'attribution des futures subventions, en y incluant des clauses de remboursement explicites si l'emploi ou l'outil industriel ne sont pas maintenus sur le territoire.

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