La fin du HLM à vie se précise, les délinquants expulsés ?
L'idée de la fin du logement social à vie avait été lancée par l'ancien ministre du Logement, Guillaume et le député macroniste Stéphane Vojetta, en mars 2025. Les deux hommes avaient même déposé un texte à examiner au Parlement, avant de le retirer au dernier moment face à la polémique qu'il avait suscitée. Car les mesures qu'il contient remettraient en cause une partie de notre modèle d'aide aux plus démunis.
"J'aspire à une France de propriétaires."
La proposition centrale de ce plan choc, reprise et remaniée dans un "plan banlieues" par le successeur de Guillaume Kasbarian, Vincent Jeanbrun, est l'instauration d'un bail "trois-six-neuf", renouvelable tous les trois ans sur le modèle du secteur privé. Le but est de réévaluer périodiquement la situation des ménages. "Moins de 8 % de rotation dans le logement social en 2023, c'est beaucoup trop peu", a déclaré le nouveau ministre dans le JDD.
Une mesure qui tranche avec celle du député les Républicains Philippe Juvin le mois dernier, qui proposait lui de rendre les locataires de logements sociaux automatiquement propriétaires après 20 ans d'occupation, estimant lui le taux de rotation moyen à 4 %. C'est pourtant aussi le créneau de Vincent Jeanbrun qui clame haut et fort auprès de nos confrères : "J'aspire à une France de propriétaires."
La propriété oui, mais dans le parc privé
Ce que souhaite concrètement le ministre, c'est que les ménages qui le peuvent quittent le parc social pour acheter dans le privé, ce qui assurerait plus de "fluidité" dans le parc HLM. Il rappelle qu'il existe dans cette perspective le prêt à taux zéro, les aides à la rénovation et peut-être bientôt, si le budget est adopté, "le statut de bailleur privé qui pourrait permettre dès 2026 la construction de 40 000 logements supplémentaires." Mais a-t-il conscience que les prix de l'immobilier n'incitent pas les Français, qui n'en ont pas les moyens, à devenir propriétaires ?
Toujours dans le JDD, il se justifie : "Je serais favorable au passage à un bail trois-six-neuf, avec une réévaluation régulière par les bailleurs sociaux qui permettrait de s’adapter à la taille du foyer ou à des mutations professionnelles, et avec une meilleure mobilité d’une commune à l’autre." La raison : 2,87 millions de ménages sont en attente d’un logement social, et les listes sont interminables pour en obtenir un dans les zones tendues : jusqu'à 10 ans et plus à Paris et en région parisienne.
Un durcissement des conditions d'expulsion pour les délinquants
Le second volet de la réforme concerne la sécurité. S'appuyant sur une loi votée l'été dernier autorisant l'expulsion des narcotrafiquants, Vincent Jeanbrun souhaite étendre cette possibilité à "tous les délinquants" auteurs de vols ou de violences. Plus précisément il veut : "Généraliser l’expulsion à toutes les infractions majeures [...] comme les violences, agressions, vols aggravés."
Les personnes condamnées définitivement avec mention au casier judiciaire "pour un délit nuisant à l'usage paisible du logement" ne pourraient ainsi plus "bénéficier de la solidarité nationale." Mais les conséquences de l'extension des expulsions aux familles sont au cœur du débat depuis que des maires ont commencé à prendre ce genre d'initiatives, notamment à cause de la volonté d'élargir la procédure même si le locataire principal n'est pas l'auteur des faits. Certains édiles ont d'ailleurs dû faire machine arrière sur décision de justice.
Des "fausses bonnes idées" pour les acteurs du secteur
Ces annonces ont immédiatement provoqué une levée de boucliers. L'Union sociale pour l'habitat (USH), qui représente les organismes HLM, rappelle que le bail "à vie" est un mythe. En effet, une "enquête ressources" est réalisée régulièrement aux locataires de logements sociaux, et que l'application d'un surloyer en cas de dépassement des plafonds est une pratiques courante et obligatoire. Si ses revenus augmentent très fortement, ils peuvent déjà être contraints de quitter le logement dans un délai de 18 mois au bout de deux années de dépassement.
Pour les acteurs du secteur, le faible taux de rotation ne vient pas du maintien des locataires, mais de "l'absence de solutions de sortie" vers un parc privé devenu trop cher, analyse La Tribune. Sur le plan politique, des voix de gauche, à l'image de l'adjoint PCF à la mairie de Paris Jacques Baudrier, ont fustigé des "propositions ultra-libérales". Le projet de loi, qui doit encore faire l'objet de concertations, sera débattu au Parlement dans les prochains mois.