Les locataires de logement HLM bientôt propriétaires ? Cette proposition d’un élu de droite

Publié par Matthieu Chauvin
le 23/10/2025
4 minutes
Tours HLM
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La proposition du député LR Philippe Juvin de céder gratuitement les logements sociaux à leurs occupants, sous conditions strictes et après vingt ans d'occupation a provoqué l'indignation de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), qui dénonce une mesure au coût désastreux. L'amendement que l'élu a déposé contient pourtant des arguments valables qui n'ont pas laissé insensible des membres de l'Assemblée. Le point sur cette idée qui fait polémique.
 

L'idée du député Les Républicains Philippe Juvin (ex-médecin anesthésiste-réanimateur qui s'était fait connaître pendant la crise du Covid), a choqué cette semaine jusque à l'extrême gauche. Sa proposition, immédiatement qualifiée de "farce" par les professionnels du secteur : offrir leur logement HLM à ses occupants après 20 ans de location. 

Mais l'élu a argumenté et n'a pas eu que des détracteurs à l'Assemblée : "Le taux de rotation dans le logement social est quasi-nul, à 4%. L'idée c'est qu'à partir du moment où vous avez occupé votre logement social pendant 20 ans, que vous avez payé votre loyer, vos charges, que vous n'avez pas causé de problèmes de voisinage, le logement vous serait remis à titre gratuit, on vous le donne." Ce à condition que le nouveau propriétaire y reste ensuite pour une durée d'au moins 5 ans.

Une proposition jugée "honteuse" vis-à-vis des contribuables

L'idée, portée par Philippe Juvin, a provoqué une véritable levée de boucliers dans le monde de l'immobilier. Sur Cnews, le président de l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI), Sylvain Grataloup, n'a pas mâché ses mots. "C'est absolument honteux. Comment pouvez-vous imaginer qu'aujourd'hui, l'immobilier puisse faire l'objet de 'cadeaux'  payés par l'ensemble des contribuables ?", a-t-il fustigé, outré. 

Il poursuit sa tirade : "Finalement, tout va devenir gratuit. A quelle fin ? Si vous pensez qu'on va relancer le logement par ce type de mesures, c'est illusoire, inconscient et irresponsable." Mais l'amendement 183 déposé par celui qui fut pendant plus de 20 ans maire de La Garenne-Colombes a aussi séduit.

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Des députés divisés sur le sujet de la gratuité des HLM

L'ancien ministre du Logement et actuel député macroniste Guillaume Kasbarian, trouve ainsi l'amendement de Philippe Juvin "très intéressant" , tout comme Philippe Tanguy, le spécialiste en économie du Rassemblement national. Toutefois le premier avoue, rapporte Le Figaro, "ignorer comment cette mesure pourrait s’articuler avec les mécanismes existants de cession moyennant finance, ni comment les bailleurs réagiraient." Toujours d'après nos confrères, François Jolivet, député Horizon & Indépendants, pense aux avantages qu'en tireraient "les bénéficiaires d’aides au logement, qui pourraient ainsi acquérir un logement à très bas coût." Car l'accès à la propriété dont sont privés tant de Français est le coeur de ce débat.

Mais d'autres élus sont, comme l'UNPI, vent debout contre cette proposition. A commencer par le député socialiste Jacques Oberti qui évoque lui "un cadeau empoisonné" pour ceux qui deviendraient propriétaires. Il explique en effet que si les bailleurs sociaux ont tant de mal à vendre les logements de leur parc, c'est parce ces derniers "ne respectent plus les normes de rénovation". Il incrimine les bailleurs, pour qui cette mesure permettrait "d’éviter d’assumer leurs responsabilités." En s'exonérant du coût exorbitant que représenteraient les travaux nécessaires, qui seraient à la charge des nouveaux propriétaires...

Moins de constructions neuves et une injustice sociale

Pour d'autres députés hostiles, si cette source de revenus pour les bailleurs sociaux était supprimée, l'impact de la proposition Philippe Juvin serait immédiat : il priverait ces organismes HLM de leur capacité à investir. Or, leurs budgets sont déjà mis à mal par des mesures comme la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS), qui leur coûte 1,3 milliard d'euros par an, selon l'Union Sociale pour l'Habitat (USH).

Les conséquences se feraient vite sentir sur l'offre immobilière. Alors que la production menace de chuter à 66 000 logements neufs par an d'ici 2030, d'après la Caisse des dépôts, cette mesure paralyserait encore davantage le secteur. En pleine du crise logement social et de l'accession à la propriété, elle ne ferait qu'aggraver la pénurie pour les 2,4 millions de ménages sur liste d'attente, toujours selon les chiffres de l'USH. Au final, la mesure ne profiterait qu'à des locataires déjà installés, au détriment des plus modestes. 

Le Figaro rapporte à ce propos que "La députée Modem Perrine Goulet s’est indignée que de telles offres puissent profiter à des personnes sans difficultés financières, qui louent des logements HLM à des montants supérieurs à la moyenne." Pour l'instant, elle peut se réjouir, puisque les députés ont finalement rejeté l'amendement de Philippe Juvin. Mais les débats sur la première partie du projet de loi de finances 2026 qui ont repris vendredi en séance publique et dureront jusqu'au 3 novembre offrent la possibilité à son rapporteur de le présenter à nouveau

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