Procès Jubillar : le téléphone de l'amant aurait borné chez Delphine le soir de sa disparition

Publié par Matthieu Chauvin
le 06/10/2025
Procès Jubillar
abacapress
© Bertrand Arnaud/ABACA
En ce début de troisième semaine du procès de Cédric Jubillar, l'amant de sa femme Delphine était pour la première fois entendu par le tribunal d'Albi. S'il a apporté quelques éléments supplémentaires aux révélations sur leur relation déjà connues, les avocats du mari ont porté une grave accusation à son encontre et celle des enquêteurs. Leur toute dernière carte pour semer le doute dans l'esprit des jurés ?
 

Lundi 6 octobre, début de la troisième semaine du procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse Delphine, disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 et dont le corps n'a jamais été retrouvé, était entendu pour la première fois à la barre un personnage clé de l'affaire : Donat-Jean M., l'amant de la jeune femme de 33 ans, surnommé par les enquêteurs "l'amant de Montauban." 

L'incroyable révélation des avocats de Cédric Jubillar

Alors que la matinée devait être dédiée à l'audition comme simple témoin de Donat-Jean M., les deux avocats de Cédric Jubillar, maîtres Emmanuelle Franck et Alexandre Martin ont fait une révélation fracassante concernant l'amant : son téléphone aurait "borné" sur l'antenne-relais de Cagnac-les-Mines, qui couvre le domicile de Delphine, le soir de la disparition.

Un "scandale" : les gendarmes accusés d'avoir "falsifié" l'enquête

Mais ce n'est pas tout. Plus de 200 téléphones portables appartenant à des personnes n'étant pas du coin auraient borné cette antenne-relais ce soir-là, entre 22 heurs et 6 heures du matin. Dont celui de l'amant révèle Emmanuelle Franck. "La difficulté que l'on a, c'est que l'on a le retour des 216 études téléphoniques, il n'en manque qu'une, c'est la sienne" poursuit-elle. Les défenseurs de Cédric Jubillar ont des billes puisqu'ils disposent du procès-verbal indiquant ce bornage. Maître Franck n'hésite pas à évoquer une "enquête altérée", maître Martin va plus loin : "Nous assistons à un véritable scandale, une procédure qui est falsifiée."

Le tribunal suspend l'audience, maître Franck précise

Les gendarmes, persuadés de la culpabilité de Cédric Jubillar auraient-ils volontairement passé ce fait sous silence ? C'est ce que semble insinuer maître Martin à la presse, rapporte Libération, lors de la suspension d'audience qui a suivi cette révélation qui sème le trouble : "Pire", le numéro de Donat-Jean M., "certainement activé via de l'Internet" (sic) est le seul manquant du dossier.

Vous avez aimé cet article ?

C'est maître Emmanuelle Franck, qui se lance, avant que l'audience ne reprenne, dans une explication précise aux journalistes, relatée par 20 Minutes : "Quand vous utilisez Internet, ça ne vous permet pas, sur une facture détaillée, d’être géolocalisé. En revanche, vous pouvez être géolocalisé si on interroge telle ou telle cellule. Il faudrait faire le tour de toutes les cellules de France pour savoir celles que vous activez. Il se trouve que, bien évidemment, la cellule couvrant le domicile des Jubillar a intéressé les enquêteurs. Ils ont fait un certain nombre de discriminations parce qu’il y avait beaucoup trop de lignes le soir de la disparition de Delphine Jubillar. Après avoir discriminé un certain nombre de paramètres, on tombe sur une liste de 551 numéros."

"Quand on épluche ces 551 numéros, on tombe sur la ligne téléphonique de l’amant. Ce qui veut donc dire que son téléphone va activer certainement via Internet, la cellule couvrant le domicile des Jubillar dans la nuit de la disparition de Delphine entre 22 heures et 6 heures du matin. Pire encore, dans cette étude téléphonique des lignes qui ne devraient pas être là mais qui sont là la nuit de la disparition, il en manque une, c’est celle de Donat-Jean M.. Ce retrait du dossier est un peu grossier car malgré tout ce PV existe et il est numéroté. Quand on crée un PV et qu’on le retire, ça laisse une trace."

L'amant de Montauban ne se démonte pas

Avant la suspension de l'audience, un échange a eu lieu entre les avocats de Cédric Jubillar et Donat-Jean. M. Il lui a été demandé s'il s'était déjà rendu à Cagnac-les-Mines. Suite à sa réponse négative, maître Emmanuelle Franck attaque : "Vous êtes sur une liste des numéros recensés sur la couverture du domicile Jubillar la nuit de la disparition." Pour l'amant, il y aurait "forcément une explication informatique."

A la reprise de l'audience, alors qu'il était démontré dans l'enquête que son téléphone, de même que celui de son ex-compagne Cathy, n'avait jamais borné hors de Montauban, Donat-Jean M. ironise : "Je suis ravi de voir que les avocats de Cédric sont experts en téléphonie." Il avait plus tôt déclaré : "Oui. Aujourd’hui, j’ai l’intime conviction que c’est Cédric Jubillar qui l’a fait."

Les parties civiles vent debout contre la stratégie de la défense

Autre fait important, les débats se poursuivant à nouveau, l'avocat d'une cousine de Delphine Jubillar a requis suite à cette révélation qu'une nouvelle expertise soit réalisée sur la téléphonie. Un autre conseil a demandé lui à ce que les enquêteurs soient à nouveau entendus. Même exigence de l'avocat général en personne ! Preuve qu'un doute s'est instillé ? Maître Alexandre Martin, balaye ces requêtes comme s'il était lui-même un conseil des parties civiles : "Je n'ai plus confiance dans les gendarmes. Je ne souhaite pas que ce soit les gendarmes eux-mêmes qui nous rapportent le dossier puisqu'ils ont été capables d'éluder des pièces."

Le tribunal remettra sa décision à plus tard concernant ces demandes. Un autre avocat des parties civiles attaque lui la défense à propos de ce coup de théâtre : "Si c’est découvert avant l’audience, mettons-le au débat dès le premier jour, et on soumet aux experts. On attend pas la dernière question de monsieur Donat-Jean M. et boum : coup de théâtre !" Ce à quoi répond maître Martin : "C’est une pièce du dossier : tout le monde y avait accès, on pouvait en parler."

L'alibi en béton de l'amant, Donat-Jean M.

Problème pour la défense. Donat-Jean M. a un alibi : à 6 heures du matin, le 16 décembre 2020, il "embauchait" dans le magasin de bricolage où il travaillait, loin de Cagnac-les-Mines.  Et comme le pointe le célèbre avocat des cousins de Delphine maître Mourad Battikh, le téléphone de l'infirmière a été déverrouillé à 6h52, non loin de son domicile. Il semble impossible que l'amant de Montauban puisse avoir été sur place. Verdict le 17 octobre.

Google News Voir les commentaires