Affaire Grégory : que contenaient les terribles lettres envoyées par le fameux corbeau ?IllustrationAFP
Avant le meurtre du petit Grégory, la famille Villemin a reçu de nombreux courriers de menace. Découvrez le terrible contenu de ces lettres anonymes.
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36 ans après le meurtre de Grégory Villemin, le mystère reste entier. Impossible de savoir ce qui est arrivé à cet enfant de quatre ans qui jouait sur un tas de graviers dans son jardin quand sa mère le voit pour la dernière fois. Quelques heures après le signalement de sa disparition, les enquêteurs retrouvent son corps sans vie dans la Vologne, rivière des Vosges. Depuis le début de l'affaire, l'espoir des enquêteurs repose, entre autres, sur un élément : les lettres de menace adressées à la famille Villemin entre 1983 et 1984. Menaces, insultes, et même aveu de l'assassinat... Ces horribles correspondances sont au coeur du mystère. En effet, il y a de grandes chances que la personne se cachant derrière ces lettres soit l'auteur du crime. Aujourd'hui, il est tout à fait envisageable que plusieurs corbeaux aient existé.

Dans une interview accordée à 20 minutes, le journaliste Thibaut Solano fait part de ses certitudes. "Il n'y avait pas un, mais plusieurs 'corbeaux' (...) il est clairement établi dans le dossier qu'il y avait un duo de 'corbeaux' qui agissaient soit séparément, soit ensemble, et qui s’en prenaient à la famille Villemin", assène-t-il. Selon lui, c'est ce duo de corbeaux qui aurait écrit les lettres les plus cruelles, révélant des secrets de famille enfouis. "Il y a eu ensuite des imitateurs qui ont agi soit par vengeance, soit pour essayer de piéger le véritable 'corbeau'", poursuit-il. Que contenaient ces lettres, exactement ?

Affaire Grégory : que contenait la première lettre du corbeau ?

Le meurtre de Grégory Villemin est le tragique dénouement d'un calvaire qui a commencé plus d'un an plus tôt, le 4 mars 1983. Selon Le Parisien, Jean-Marie Villemin, père de la victime, retrouve une première lettre de menace dans les volets de sa maison familiale à Lépanges-sur-Vologne. En lettres capitales, il est écrit : "Je vous ferez votre peau à la famille Villemain". Plus qu'une menace, c'est une promesse que fait le corbeau. Un peu plus d'un mois plus tard, c'est une autre branche de la famille Villemin qui est victime de ces mystérieux courriers...

Affaire Grégory : l'ultimatum du corbeau

Jalousie, vengeance, secrets de famille... Quelles sont vraiment les motivations du corbeau ? Quelques semaines après avoir envoyé sa première lettre, il sévit de nouveau le 27 avril 1983. Cette fois, c'est Monique et Albert Villemin, les grands-parents de Grégory, qui sont visés. Toujours en lettres capitales, le correspondant anonyme demande à ses destinataires de rejeter de la famille Jean-Marie Villemin, ici surnommé "le chef". Voici ce que l'on peut lire :

"Si vous vouler que je m'arrête, je vous propose une solution. Vous ne dever plus fréquenter le chef. Vous devez le considéré lui aussi comme un batard, le mettre entièrement de côté, par vous et ses frères et sœur. Si vous ne le faite pas, j'exécuterai mes menaces que j'ai fait au chef pour lui et sa petite famille. Jacky et sa petite famille a été assez mis de côté. Au tour du chef d'être considéré comme un batard. Il se consolera avec son argent. A vous de choisir. La vie ou la mort".

Les mots en gras ont été soulignés, parfois deux fois, par le corbeau. Le corbeau fait référence à Jacques (dit Jacky) Villemin, le frère de Jean-Marie. Peu de temps plus tard, les grands-parents de Grégory reçoivent une autre lettre, qu'ils espèrent être la dernière...

Affaire Grégory : l'espoir d'une tranquilité

Le 17 mai 1983, Albert et Monique reçoivent de nouveau une lettre, plus longue. Une lettre d'adieu, écrite en cursive. D'après l'ouvrage La Voix rauque de Thibaut Solano, édition Les Arènes, voici son contenu :

"Je vois que rien à changer chez vous. Il n'y en a toujour que pour les même et le chef vient toujours... Vous pouvez montrer cette lettre et l'autre à Jacky car j'arrête. Il est toujours mis de côté, cela ne sert à rien que je le défende... Il n'y a que votre salope de fille et son vieux qui ont le droit de salir vos assiettes le dimanche. Il n'y en a que pour le gendre, il compte plus que vos fils, surtout pour toi la vieille c'est ton nonoche et il se permet tout à Aumontzey... Et le petit con de Granges, il n'est pas une journée sans descencdre chez vous et il faut toujours qu'il mette son grain de sel partout quand il devrait fermer sa grande gueule, mais pas d'effet et sa conasse de gonzesse, elle fait toujours la grande malade avec sa sale gueule de cochon (le CINEMA)... Autour du chef, du balèse, il peut arrêter de chier dans son slip, je ne veux pas lui faire de bobo au balèse de maman ni à sa pimbêche de gonzesse ni à son mioche. Jacky ne serai pas mieux estimer pour ça, et il sera toujours considérer comme un bâtard, le pauvre mec... Eh ! Toi le vieux, tu en as pris un coup de vieux, tu m'as l'air bien malade. Eh oui le vieux, j'arrête et tu ne sauras jamais qui t'as fait chié pendant deux ans. Je me suis vengé car je vois que tu te rumines, tu ne te penderas peut-être pas mais je m'en fou car ma vengeance est faite. Je te hais au point d'aller cracher sur ta tombe le jour où tu crèveras... Jacky n'est peut-être pas plus estimer mais je m'en fou je me suis venger... Ceci est ma dernière lettre et vous n'aurez plus aucune nouvelle de moi. Vous vous demandez qui j'étais mais vous ne trouverez jamais... que le tout fou d'à côté arrête de frimer car il prend un coup de poing dans la gueule et il se sauve. ADIEU MES CHERS CONS".

Les mots en gras ont été soulignés, parfois deux fois, par le corbeau. Alors que la famille Villemin espérait en avoir fini avec ce cauchemar, Grégory disparaît. Les parents de l'enfant reçoivent une lettre, postée le jour du meurtre...

Affaire Grégory : la vengeance du corbeau

16 octobre 1984, jour du drame. Au moment où Christine Villemin s'aperçoit de la disparition de son fils, Grégory, une lettre est postée à Lépanges-en-Vologne. Le lendemain matin, alors que les parents sont en deuil, ils reçoivent une lettre. Le corbeau revendique l'assassinat, en écriture cursive : "J'espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con". Les mots en gras ont été soulignés par le corbeau. Cette lettre, par la violence et la cruauté des mots choisis, conforte l'hypothèse d'un crime causé par la jalousie envers la réussite sociale de Jean-Marie et Christine Villemin.

Pendant un temps, la mère de la victime a été soupçonnée d'avoir été à l'origine de cette lettre. En effet, quatre de ses collègues ont affirmé l'avoir aperçue près de la Poste à l'heure où le fameux courrier a été posté. Inculpée et écrouée pour le meurtre de son fils, Christine Villemin a finalement bénéficié d'un non-lieu.

L'été suivant, le corbeau frappe encore. Une dernière fois.

Affaire Grégory : un cauchemar interminable

Le 24 juillet 1985, cela fait bientôt un an que Grégory a été retrouvé sans vie. En outre, cela fait quatre mois que Bernard Laroche, le cousin germain de Jean-Marie Villemin, a été tué par ce dernier. Persuadé qu'il est à l'origine du meurtre de son fils, Jean-Marie l'abat d'un coup de fusil en pleine poitrine. Le 24 juillet 1985, c'est également le jour où Albert Villemin reçoit de nouveau une lettre d'un corbeau. En lettres capitales, comme dans les premières lettres, l'auteur écrit :

"Je vous ferez à nouveau votre peau à la famille Villemain Prochaine victime, Monique".

Une menace dont le corbeau ne fera finalement rien. Monique Villemin, née Jacob, est décédée le 19 avril 2020 selon les informations du quotidien régional Dernières Nouvelles d'Alsace. Âgée de 88 ans, la grand-mère de Grégory est morte des suites du Covid-19. Jean-Marie Villemin, lui, a toujours été persuadé que sa mère en savait plus qu'elle ne le disait sur le meurtre de son fils."Je pense que Monique savait certaines choses en ce qui concerne le crime de Grégory, elle aurait pu faire certaines révélations, mais elle ne l’a pas fait pour des raisons qui lui appartiennent", explique Maître Moser, avocat des parents de Grégory. Jean-Marie soupçonnait, par exemple, que sa mère essayait de protéger son fils aîné, Michel.