Pourquoi faire reposer une partie de la dette sur les retraités est inutile selon Marc Touati
François Bayrou n'a pas fait dans la dentelle : "Tout le monde doit faire des efforts" a-t-il déclaré mardi 15 juillet, au moment de proposer les pistes à suivre pour réduire le déficit de la France en 2026, à intégrer au prochain budget qui sera étudié à la rentrée. Ces pistes permettraient de réaliser un peu plus de 43 milliards d'euros d'économies, face aux 3 000 milliards d'euros de dettes que compte notre pays (dont 1 000 se sont accumulés sous les deux mandats d'Emmanuel Macron, depuis mi-2017). Comme attendu, malheureusement, les grands perdants seraient les classes moyennes... et les retraités, dans le viseur depuis l'éphémère gouvernement de Michel Barnier censuré l'automne 2024 pour cette raison principalement. Car si aucune hausse d'impôts n'a été annoncée, hausse d'impôts il y aura via d'autres mécanismes
Les retraités seraient trop mis à contribution ?
Pour les retraités, dans le contexte de l'année blanche prônée par le Premier ministre, soit un gel total des dépenses de l'Etat pendant 12 mois dès janvier prochain, les pensions ne seraient pas indexées sur l'inflation, donc n'augmenteraient pas. Et leur abattement fiscal annuel de 10 % deviendrait un montant forfaitaire plafonné à 2 000 euros pour tous. Si, concernant ce dernier point, les petites pensions seraient peu impactées, le manque à gagner serait bien plus important pour les plus favorisés.
Faire payer les retraités : "Une catastrophe"
Le célèbre économiste et conférencier Marc Touati, qui distille ses conseils sur sa chaîne YouTube et dont l'avis est souvent sollicité sur les plateaux des principales chaînes d'information, a bien voulu répondre à nos questions sur ce "matraquage" annoncé des retraités.
Planet.fr : Que vous inspirent les annonces de François Bayrou quant au traitement des retraités ?
Marc Touati : C'est une véritable catastrophe même si François Bayrou a posé le bon diagnostic sur l'état de l'économie française. La situation est catastrophique mais rien n'est fait depuis des années. Les mesures qui ont été annoncées ne sont pas du tout à l'aune de pouvoir sauver cette économie. Et ce qui est dramatique c'est qu'encore une fois, on demande des efforts aux Français.
Planet.fr : Pour vous, ça ne va pas dans le bon sens ?
Marc Touati : Non seulement ces mesures ne vont pas améliorer la situation mais elles vont générer une crise, politique, économique et sociale à la rentrée de septembre. Et les retraités vont une nouvelles fois être les dindons de la farce, c'est très dommageable.
Marc Touati : "Il ne faut pas que les retraités s'inquiètent trop"
Planet.fr : Ces propositions sont-elles crédibles en fin de compte ?
Marc Touati : Elles sont surprenantes. C'est peut-être pour gagner quelques mois mais de toute façon je pense que ce budget ne sera pas mis en musique parce que le gouvernement ne va pas tenir. Il y aura une motion de censure à la rentrée. Il ne faut pas que les retraités s'inquiètent trop.
Planet.fr : Le vrai problème, ce n'est pas le coût des retraites ?
Marc Touati : Le problème essentiel est de baisser les dépenses publiques. Notamment les dépenses de fonctionnement qui ont augmenté de 95 milliards d'euros depuis 2021. Cela représente 32 % des dépenses publiques totales, c'est énorme. Là il y a du grain à moudre et de quoi faire des économies.
Planet.fr : C'est pourtant le but de l'année blanche ?
Marc Touati : Oui mais l'année blanche, plus la suppression de l'abattement de 10 % pour les retraités par 2 000 euros ça revient à augmenter les impôts et à grever leur pouvoir d'achat. C'est aussi mauvais en terme d'image : on veut faire porter le chapeau aux retraités qui ont cotisé toute leur vie. C'est pratique puisqu'ils ont un revenu mensuel assuré.
Marc Touati : "On nous prend pour des naïfs"
Planet.fr : Il n'y a pas de vision à long terme. Est-ce pour cela qu'on a davantage parlé de la suppression des jours fériés comme d'un écran de fumée ?
Marc Touati : C'est de la poudre au yeux. Ce n'est pas en supprimant deux jours fériés que l'on va changer la face de l'économie française. C'est absurde, on nous prend pour des naïfs, c'est très embêtant... Le diagnostic est clair, mais pour la réponse, c'est comme si un médecin voulait soigner une maladie grave avec du Doliprane.
Planet.fr : Et la question des retraites va continuer à se poser à chaque nouveau budget...
Marc Touati : Sur les retraites il y a deux grandes hypocrisies. La première c'est qu'il faudra aider le système par répartition avec un système par capitalisation. On sera obligé de la faire parce qu'aujourd'hui il y a 1,4 actif pour 1 retraité. La deuxième c'est que le système des retraites du privé, il est à l'équilibre. Par contre celui de la fonction publique est en déséquilibre permanent et ce sont 60 à 80 milliards d'euros que l'Etat doit financer pour combler ce déficit. Dans la fonction publique il y a plus de retraités que d'actifs. Mécaniquement ça ne peut pas fonctionner. Mais on ne veut pas dire les choses. On fait du marketing, on cache la réalité.
Marc Touati : "On oublie le rôle social que jouent les retraités"
Planet.fr : Quel avenir pour notre système de retraite dans ces conditions ?
Marc Touati : Le système de retraite, on peut tout à fait le sauver, en laissant le choix aux Français de partir plus tôt ou plus tard mais avec une pension en conséquence. L'instauration de la capitalisation permettra également une plus grande transparence. Moi ce qui me gêne dans le fait de faire payer les retraités, c'est qu'on oublie le rôle social qu'ils jouent quand ils aident leurs enfants ou petits-enfants. Si vous attaquez leur pouvoir d'achat cela impacte celui de ces derniers. Avec la non-indexation prévue, ils ne pourront peut-être pas le faire l'année prochaine. C'est vraiment ne pas être en phase avec la réalité économique. On a affaire à des individus hors-sol. Cela fait 40 ans que les Français se serrent la ceinture, maintenant c'est au tour du pouvoir, notamment de la haute fonction publique. Et encore une fois, l'année blanche, ne signifie pas qu'on va réduire les dépenses, mais qu'on aura une moindre augmentation de ces dépenses... Il faut arrêter !