"75% des retraités ne touchent pas assez pour vivre dignement"Istock
Le site communautaire Terre des Seniors vient de mener une étude relative au niveau de vie des retraités auprès de son lectorat et en dévoile les résultats. Entretien avec Cédric Buisson, le créateur de la plateforme.
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Cédric Buisson, fondateur du site Terre des Seniors, se présente comme un "serial-entrepreneur". Il a fondé quatre sociétés, dans divers secteurs est expert-comptable de formation. Il est diplômé d'une école de commerce parisienne.

Planet : D'après votre étude, 75 % des retraités estiment ne pas toucher assez aujourd'hui. Ils bénéficient pourtant d'un niveau de vie statistiquement supérieur à celui des actifs, à en croire la DREES, (ils sont moins représentés parmi les populations confrontées à la précarité). Comment l'expliquer ?

Cédric Buisson : Commençons par la méthodologie. Terre des Seniors, notre site communautaire, a sondé 500 personnes. Nous avons opté pour un questionnaire permettant les réponses ouvertes, sous forme de commentaire, plutôt que pour un questionnaire à choix multiples. Nous avons récolté beaucoup de données, qui se sont avérées longues à éplucher , mais nous avons pu en tirer de nombreux éléments intéressants.

Il ressort de notre enquête que 75% des sondés n'ont pas assez pour vivre aujourd'hui. Les trois-quarts de nos répondants, tous des retraités, expliquent faire face à d'importantes difficultés financières depuis la liquidation de leurs droits. 30% d'entre eux disent devoir composer avec seulement 600 ou 800 euros nets par mois, toutes pensions et allocations comprises. C'est un montant vraiment très faible, qui ne permet évidemment pas de vivre décemment. Nombre d'entre eux dénoncent donc une situation jugée honteuse. Particulièrement les quelques-uns qui soutiennent avoir cotisé 44 ans durant pour en arriver là.

"30% des sondés disent ne vivre qu’avec 600 ou 800 euros par mois"

Il y a donc, à en croire notre étude, une réelle déperdition chez les retraités. Nous n'avons pas pu obtenir un montant de rémunération précis qui nous permettrait de réaliser une moyenne (certains comptent avec allocations et retraites complémentaires, d'autres non et d'aucuns parlent de brut plutôt que de net, etc). Du fait de réponses parfois un peu floues, nous n'avons pas pu pousser le vice aussi loin.

Ceci étant dit, je crois qu'il faut aussi rappeler ce qu'est Terre des Seniors : il s'agit d'un média digital, sur internet donc, ce qui implique que les gens qui ont pu répondre bénéficient forcément d'un accès au web. Ils passent soit par ordinateur, soit par smartphone mais peuvent toujours se connecter, ce qui nécessite aussi un abonnement. Ils ne sont donc pas nécessairement les plus démunis des retraités. C'est un élément qu'il faut garder en tête, puisque le chiffre est peut-être sous-estimé.

Dès lors, quand les trois-quarts des retraités nous disent que ça ne va vraiment pas et que la DREES affirme autre chose, peut-être faut-il s'interroger sur la façon dont cette dernière mène sa propre enquête. La vérité se trouve sans doute dans un juste milieu entre nos données et les leurs. Certains des membres de notre communauté nous ont expliqué devoir s'expatrier pour pouvoir s'en sortir, avec des revenus aussi faibles !

Retraite : "Les sondés disent avoir besoin de se reposer sur leurs enfants"

Planet : Quel est le quotidien de ces retraités qui ne gagnent pas assez ? A quoi ressemblent leurs journées et leurs fins de mois ?

Cédric Buisson : Leurs fins de mois sont très difficiles, comme il est possible de l'imaginer. Nombreux sont ceux qui expliquent qu'ils ont besoin de se reposer sur leurs enfants, voire leurs petits-enfants pour tenir. Ceci étant, les problèmes financiers que rencontrent nos sondés ne contribuent pas trop à les isoler, à en croire leurs réponses.

Nous les avons interrogés sur ce qu'ils espéraient de la retraite, sur leur capacité à faire ce qu'ils souhaitaient. Il en ressort qu'une majorité d'entre eux a envie de faire de nouvelles rencontres et que les deux tiers des retraités sont en quête d'une activité simple. Ils sont nombreux à employer le mot nature, pour désigner les plaisirs simples de la vie comme le sport, la cuisine ou les voyages. Naturellement, cela peut s'avérer complexe en raison de la précarité dans laquelle ils évoluent.

Beaucoup envisagent donc de rejoindre des clubs gratuits – environ 8 sondés sur dix – comme celui que propose notre communauté.

Enfin, seul un quart des retraités sondés dit avoir repris le travail ou envisager de le faire sous peu pour des raisons financières.

"Les retraités veulent le retour de l'ancienne CSG"

Planet : L'élection présidentielle arrive à grand pas et l'électorat retraité compte généralement parmi les plus mobilisés. Que peut-on identifier de leurs demandes à travers votre étude ? Quelles solutions envisagent-ils après le constat qu'il leur a été donné de tirer ?

Cédric Buisson : De nombreux individus qui ont pris le temps de répondre à notre étude se sont montrés très contestataires à l'égard de l'action de l'exécutif aujourd'hui en place. Certains ont repris tout ou partie de l'argumentaire des Gilets jaunes. Parmi eux, un nombre conséquent cherchent à enjoindre leurs pairs à se montrer présents pour les prochaines élections, à "bien" voter.

Ils attendent, évidemment, une augmentation de leur pouvoir d'achat. Pour autant, ils ne rentrent que peu dans les détails de la réforme qu'ils souhaiteraient voir menée. La contribution sociale généralisée (CSG) fait partie des sujets qui reviennent le plus. Ils aspirent à un retour à la situation pré-Emmanuel Macron en la matière [ndlr : le président est déjà revenu sur la hausse de la CSG, comme le rappelait Les Echos en 2019].