Sécu : le déficit 2026 est-il de 19, 24 ou 30 milliards ?
Le gouvernement assure que le déficit de la Sécurité sociale s’élèvera à 19,6 milliards d’euros en 2026. Cette estimation, répétée ce mardi par la ministre de la Santé Stéphanie Rist, semble rassurante au premier regard. Elle est même confirmée par Amélie de Montchalin qui évoque un déficit "inférieur à 20 milliards". Pourtant, cette donnée ne raconte qu’une partie de l’histoire.
L’estimation de 19,6 milliards est déjà supérieure aux 17,5 milliards inscrits dans le projet initial de l’automne. La hausse s’explique par une série de concessions faites aux socialistes et aux écologistes. La plus importante concerne la révision de l’Ondam, passé de 1,6 % à 3 % grâce à un amendement examiné juste avant le vote du PLFSS. Cette évolution alourdit mécaniquement les dépenses.
Un transfert de 4,5 milliards d’euros
Ce montant officiel reste toutefois très éloigné des 30 milliards de déficit brandis par l’exécutif en cas de rejet du budget. Mais comparer ces deux chiffres revient à mélanger des réalités différentes. Le déficit annoncé à 19,6 milliards ne devient atteignable qu’en intégrant un transfert de 4,5 milliards d’euros depuis l’État, lui-même déjà déficitaire. Sans ce coup de pouce, l’équation change radicalement.
Dans le détail, ces 4,5 milliards correspondent à 2,5 milliards destinés à compenser les exonérations sur les heures supplémentaires, et à 2 milliards pour couvrir les allégements généraux de cotisations. Ces mesures, décidées par l’État, pèsent lourd sur les comptes de la Sécu, qui dépend donc désormais de ces rééquilibrages financiers pour limiter son déficit apparent.
Une source gouvernementale confirme que les fameux "30 milliards" correspondent à un scénario sans aucun transfert. À l’inverse, si l’on retire uniquement les 4,5 milliards prévus, le déficit 2026 s’élèverait à 24,1 milliards d’euros. Ce chiffre est plus cohérent avec la tendance observée ces dernières années, notamment les 23 milliards de déficit attendus pour 2025.
Un déficit structurel plus lourd qu’annoncé
Cette lecture explique pourquoi les ministres oscillent entre chiffres rapprochés et estimations plus lourdes. Dimanche sur LCI, Roland Lescure le reconnaissait à demi-mot : le budget présenté visait 17,5 milliards, mais les concessions successives et la prise en charge par l’État d’environ 5 milliards ont mécaniquement gonflé le déficit final. "La réalité, c’est qu’on est au-dessus des 20 milliards en tendanciel", a-t-il fini par admettre.
Autrement dit, même avec transferts, mesures techniques et ajustements politiques, le déficit réel de la Sécu continue de progresser. La capacité à maintenir un niveau sous les 20 milliards repose davantage sur des opérations comptables que sur une amélioration durable des comptes. Les dépenses de santé poursuivent leur hausse, tandis que les recettes stagnent ou sont affaiblies par des exonérations décidées par l’État.
Un État très sollicité pour colmater les brèches
Dans ce contexte, la ministre Stéphanie Rist estime qu’intégrer les transferts est "la normalité". Pourtant, cette "normalité" interroge de plus en plus les économistes, car elle masque la faiblesse structurelle des finances sociales. Roland Lescure l’a reconnu lui-même : "Il va falloir que l’État fasse des efforts pour compenser." Autrement dit, sans soutien budgétaire massif, le déficit grimperait en flèche. En définitive, le déficit 2026 n'est pas de 19, 24 ou 30 milliards : il est les trois à la fois, selon que l’on tient ou non compte des transferts, des scénarios politiques et des projections brutes.