Frais de représentation des maires : que peuvent-ils réellement percevoir et selon quelles règles ?
Depuis plusieurs semaines, la polémique autour des frais de représentation accordés aux élus parisiens prend de l'ampleur. Épinglée par Mediapart pour le montant de ses dépenses, la maire de Paris Anne Hidalgo a choisi la transparence en publiant les notes de frais des dix-sept maires d’arrondissement. Planet fait le point.
Des indemnités légales mais décidées localement
Le Code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil municipal peut voter une enveloppe destinée à couvrir les frais engagés par le maire "à l’occasion de l’exercice de ses fonctions". Ni plafond ni barème ne sont précisés par la loi, chaque commune fixe librement le montant et les conditions d’attribution.
L’Association des maires de France (AMF) rappelle que ces indemnités servent à financer des dépenses liées à la représentation officielle de la collectivité, réceptions, cérémonies, cadeaux protocolaires ou déplacements. À Paris, le dispositif est encadré : la maire de la capitale dispose d’une enveloppe annuelle de 19.720 euros, tandis que les maires d’arrondissement peuvent percevoir jusqu’à 11.092 euros. Ces montants, versés chaque mois, doivent être justifiés via une application interne et accompagnés des factures correspondantes.
Adopté en 2020, un mémento précise que ces frais doivent présenter un "lien indiscutable" avec le mandat électif et demeurer "nécessairement raisonnables". En cas de non-utilisation complète de l’enveloppe, la somme restante doit être reversée à la Ville.
Des dépenses encadrées… mais controversées
Les documents consultés par Libération ont mis au jour des notes de frais parfois surprenantes : vêtements, repas dans des restaurants gastronomiques, livres, boîtes de chocolats ou encore menus enfants. Si aucun élu n’a dépassé les plafonds autorisés, ces pratiques interrogent.
Invitée sur BFMTV le 4 octobre, Jeanne d’Hauteserre, maire LR du 8ᵉ arrondissement, a défendu ses 35 000 euros de dépenses en cinq ans : "J’essaye d’acheter des produits français et de bonne qualité", a-t-elle expliqué, tout en reconnaissant que "quand on gagne 1 200 euros par mois, on peut être choqué".
Des documents consultables sur rendez-vous
Pour sa part, Anne Hidalgo a publié le 2 octobre un communiqué vantant la "transparence" et la "responsabilité" de la Ville. Pourtant, le détail complet des notes de frais n’est consultable que sur rendez-vous à l’Hôtel de Ville, une restriction dénoncée par Transparency International. "Être obligé de saisir le juge pour accéder à des documents publics alimente la suspicion", estime Samuel Boissaye, membre de l’ONG, rapporte Sud Ouest.
Selon Éric Verlhac, directeur général de l’AMF, la loi reste volontairement vague. "Les gouvernements se sont toujours refusés à établir une liste précise des frais admissibles, tant les situations locales diffèrent. Le juge administratif, lui, veille à ce que les dépenses soient en lien avec le mandat et dans l’intérêt de la commune", explique-t-il à Libération.
Face à la polémique, certains élus appellent désormais à réformer, voire à supprimer, ce régime d’indemnités. De son côté, Jeanne d’Hauteserre a annoncé qu’elle saisirait la commission de déontologie de la Ville de Paris afin de procéder au remboursement de ses frais de représentation. La maire du VIIIe arrondissement souhaite ainsi restituer les 35 779 euros dépensés en vêtements dans le cadre de ses fonctions.