Démission de Lecornu : quels scénarios peuvent être envisagés ?
Coup de tonnerre à l'Elysée lundi 6 octobre au matin : Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre le 9 septembre dernier par Emmanuel Macron, lui a remis sa démission. Ce, moins de 15 heures après avoir, enfin, choisi les membres de son gouvernement. Des journalistes présents aux côtés du Président ont affirmé que ce fut pour lui une véritable surprise... Pourtant, des rumeurs persistantes laissent entendre que c'est le chef de l'Etat qui aurait volontairement déclenché ce séisme en imposant le revenant Bruno Le Maire au ministère des Armées...
Le retour de Bruno Le Maire : l'élément déclencheur ?
Les observateurs ont toujours du mal à saisir le but de cette manœuvre, si c'en est bien une. Hier soir au JT de 20 heures, Gabriel Attal, même si l'on sait qu'il s'est éloigné depuis un moment d'Emmanuel Macron, déclarait à son propos : "Je ne comprends plus les décisions du président de la République." Car c'est la nomination de Bruno Le Maire, qui serait à l'origine de la démission de Sébastien Lecornu : elle aurait entraîné une "fronde" de la part de Bruno Retailleau.
Le prétexte qu'attendait Bruno Retailleau ?
Mis au courant en direct, comme tous les Français, du retour pour le moins inattendu de l'ancien pensionnaire de Bercy, jugé en partie responsable du déficit abyssal du pays, le ministre de l'Intérieur et chef des Républicains aurait menacé de quitter le gouvernement. Car Bruno Le Maire serait considéré comme un traitre, ayant à l'époque quitté la droite pour rejoindre la Macronie ? La réalité serait plus cynique : sentant le vent tourner très défavorablement dans l'opinion publique, Bruno Retailleau aurait voulu volontairement prendre ses distances avec le bloc central...
Les Républicains veulent-ils doubler les socialistes ?
Et parce qu'un sondage IFOP/FIDUCIAL réalisé pour Sud Radio et L'Opinion le 30 septembre dernier ne lui donnerait plus que 9 à 13 % des voix au premier tout de l'élection présidentielle de 2027, alors qu'il faisait partie il y a peu encore des personnalités politiques ayant une forte cote auprès des Français... Pourtant, il a déclaré ce matin qu'il ne verrait pas d'un mauvais oeil une "cohabitation" avec Emmanuel Macron si celui-ci décidait de nommer un Premier ministre Les Républicains... Olivier Faure, premier secrétaire du PS, ne serait pas contre non plus.
Plusieurs scénarios peuvent ainsi survenir dans les jours qui viennent malgré les affirmations des uns et des autres. Voici ceux qui semblent encore possibles jusqu'à la fin des négociations menées par Sébastien Lecornu et qui prendront fin mercredi soir, à retrouver en détail dans notre diaporama ci-dessous.
Le maintien du gouvernement démissionnaire
Si jamais les discussions entamées par Sébastien Lecornu jusqu'à mercredi soir avec les autres partis en vue d'obtenir un accord de non-censure n'aboutissent pas, il se murmure qu'Emmanuel Macron pourrait le maintenir à son poste de Premier ministre démissionnaire, ainsi que les autres membres du gouvernement "éphémère" (à l'exception de Bruno Le Maire qui a qui a déjà quitté ses fonctions), pour plusieurs semaines au minimum, c'est-à-dire pour gagner du temps.
Nommer un nouveau Premier ministre macroniste
C'est une option qui prendrait le chemin de la censure quasi immédiate, mais Emmanuel Macron pourrait persister et signer et nommer un nouveau Premier ministre du bloc central, là aussi pour gagner du temps (Jean-Yves Le Drian, Bernard Cazeneuve - les deux ayant quitté le PS - Jean Castex, qui vient du coup de voir passer sous son nez le poste de président de la SNCF ?). Mais le Président a déclaré qu'à la fin des négociations menées par Sébastien Lecornu jusqu'à demain soir, il prendrait "ses responsabilités". Oui, mais lesquelles ?
Nommer un nouveau Premier "d'ouverture"
En coulisses, on espère et du côté des Républicains, et du côté du PS, ne pas avoir à aller une nouvelle fois jusqu'à la dissolution de l'Assemblée tout en gagnant des postes importants dans un nouveau gouvernement... C'est dans ce sens que Sébastien Lecornu négocie jusqu'à demain soir. Nous aurions donc droit à une cohabitation d'un peu moins de 2 ans. Mais le poids du nombre de députés RN, LFI et associés semble peser trop lourd dans la balance pour éviter la censure.
Une nouvelle dissolution
Par "prendre ses responsabilités", Emmanuel Macron voulait-il insinuer qu'en cas d'échec des ultimes négociations, il n'aurait d'autre choix que de dissoudre l'Assemblée nationale et provoquer de nouvelles élections législatives anticipées après celles de juin-juillet 2024 ? Avec pour risque d'obtenir un résultat similaire : aucune majorité n'en sortirait et tout repartirait à zéro... C'est pourtant ce que demande le Rassemblement National, Jordan Bardella postulant déjà au poste de Premier ministre.
Le déclenchement d l’article 16
Nous avions déjà évoqué le sujet avec un politologue pour qui l'hypothèse semblait improbable : Emmanuel Macron pourrait être tenté de déclencher l'article 16, qui donne des "pouvoirs exceptionnels" au président de la République. Voici ce que dit le site du Conseil constitutionnel :
"Les conditions de fond posées par l'article 16 de la Constitution sont :
- d'une part, une menace grave et immédiate des institutions de la République, de l'indépendance de la Nation, de l'intégrité de son territoire ou de l'exécution de ses engagements internationaux, et, d'autre part, l'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.
Les conditions de forme posées par le même article de la Constitution sont :
- des obligations de consultation : le Président de la République doit consulter officiellement le Premier ministre, les présidents des assemblées (soit le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat) ainsi que le Conseil constitutionnel ;
- l'information de la Nation : le Président de la République doit informer la Nation par un message de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels."
Nous sommes loin d'une telle situation mais qui sait ?
La démission
Ils sont plusieurs à réclamer la démission d'Emmanuel Macron quitte à ce qu'il définisse un date qui laisse le temps aux prochains candidats de mener un campagne. Parmi eux, Eric Ciotti, chef de l'Union des droite, ou David Lisnard, le maire Les Républicains de Cannes, qui pourrait être candidat lui-même. Mais le président de la République a toujours écarté cette idée...
La destitution
Plus de 100 députés ont déposé une motion d censure pour demander la destitution d'Emmanuel Macron. LFI la réclame, Jean-Luc Mélenchon en tête. Sauf que c'est quasiment impossible : "Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour" indique l'article 68 de la Constitution.