Nouvel impôt sur la fortune : l’assurance vie, l’or et les cryptos visés par la réforme de l’IFI
C’est une petite phrase passée presque inaperçue dans l’hémicycle, mais qui pourrait bouleverser la fiscalité du patrimoine français. Le 31 octobre 2025, les députés ont adopté un amendement du Modem Jean-Paul Matteï visant à métamorphoser l’actuel IFI en impôt sur la fortune improductive, ou “nouvel IFI”.
Jusqu’ici limité aux biens immobiliers non professionnels, l’impôt frapperait désormais un éventail beaucoup plus large d’actifs. Seront concernés : les assurances vie en fonds euros, l’or, les cryptomonnaies, les voitures de collection ou encore certaines œuvres d’art. En clair, les patrimoines considérés comme “non productifs”.
Un seuil d'entrée maintenu à 1,3 million d'euros
Ce nouvel impôt, voté dans le cadre du budget 2026, s’appliquerait à partir de 1,3 million d’euros de patrimoine net, comme l’actuel IFI. Il introduirait un taux unique de 1 %, tout en supprimant la progressivité du barème. Pour Bercy, il s’agit de “rétablir l’équité” entre épargne qui finance l’économie et capitaux dormants.
Mais cette réforme fait déjà grincer des dents. L’assurance vie, l’un des placements préférés des Français, est directement dans le viseur. Les contrats en fonds euros, jugés “improductifs”, seraient intégrés à la base taxable, contrairement aux unités de compte. Une mesure qui inquiète les assureurs.
L’assurance vie dans la tourmente
“Qualifier les fonds euros d'improductifs, c'est nier le rôle stabilisateur de l'épargne longue, celle qui amortit les crises, finance l'État, nos entreprises et protège les épargnants contre les aléas de la vie”, déplore Gérard Bekerman, président de l’Afer, cité par MoneyVox. Selon lui, cette mesure rapporterait “quelques centaines de millions d’euros à court terme, mais coûterait bien davantage à l’économie réelle”.
Même constat du côté des fintechs. “C’est une décision à la fois surprenante et maladroite”, estime Andrea Ganovelli, cofondateur de Green-Got. “Les fonds euros sont constitués, pour une large part, de dette d’État française. En les taxant, l’État se tire une balle dans le pied.”
Pour d’autres observateurs, cette réforme pourrait inciter les épargnants à se tourner vers des placements plus risqués, mais aussi plus dynamiques : unités de compte, capital-investissement ou fonds non cotés. Reste à savoir si tel était vraiment l’objectif du gouvernement.
Les cryptos, l’or et l’art dans le collimateur
Les actifs numériques, comme les cryptomonnaies, seraient également intégrés à l’assiette du nouvel impôt. Une décision qui soulève de nombreuses questions pratiques : comment évaluer des biens aussi volatils ? Et le staking (les personnes qui possèdent des cryptomonnaies peuvent les “bloquer” dans un système commun pour aider au bon fonctionnement du réseau, un peu comme si elles prêtaient leur argent à une banque. En échange, elles touchent une petite récompense, comparable à des intérêts, qui génère des revenus) serait-il considéré comme “improductif” ? C’est ce que soulève Nicolas Marchesse, cofondateur du groupe BPS auprès du média.
La cofondatrice du groupe, Chloé Desenfans, s’inquiète d’un “mauvais signal envoyé à l’écosystème”, avec un risque de fuite des capitaux vers des juridictions plus souples. L’or, les bijoux, les voitures de luxe et les œuvres d’art, jusqu’ici exonérées dans le cadre de l’ISF, seraient également inclus dans le périmètre.
Une réforme encore pleine d’incertitudes
Malgré son adoption à l’Assemblée, le texte laisse de nombreuses zones d’ombre. Quid des contrats de capitalisation, des PER ou des holdings patrimoniales ? Certains produits d’épargne à long terme, pourtant assimilés aux fonds euros, ne sont pas clairement visés.
Les fiscalistes alertent aussi sur une incohérence : les parts de sociétés détenant des actifs financiers pourraient échapper au nouvel impôt, faute de modification du Code général des impôts. Et le plafonnement à 75 % des revenus, hérité de l’IFI, resterait inchangé, limitant la portée réelle de la mesure.
Pour l’heure, les experts appellent à la prudence. "Il y a une telle incertitude sur le devenir de cette taxe qu’il est déconseillé de prendre des décisions engageantes ou irréversibles", confie un avocat fiscaliste à MoneyVox. La version définitive du texte est attendue pour décembre.