Minitel : pourquoi ce "cube" français a résisté 15 ans à Internet ?

Publié par Élise Carmin
le 24/12/2025
Minitel
Istock
Alors que le World Wide Web déferlait sur le monde, des millions de Français restaient fidèles à leur petit boîtier beige. Découvrez les secrets du succès du Minitel, son modèle économique novateur et comment cette technologie a façonné nos usages numériques actuels.

C'est un son strident, suivi d'une connexion lente, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Pourtant, ce petit terminal cubique, souvent beige et marron, a trôné dans les salons et les couloirs de millions de foyers bien après l'apparition des premiers modems internet. Lancé officiellement en 1982, le réseau Télétel a défié toutes les lois de l'obsolescence technologique.

Contre toute attente, cette exception culturelle a perduré trois décennies durant. Il s'agit d'une longévité record pour un appareil électronique, marquée par la date d'arrêt définitif du Minitel en 2012. Mais comment expliquer qu'une technologie affichant des graphismes aussi rudimentaires ait pu tenir tête au géant américain qu'est Internet ?

Pourquoi cette petite boîte beige a-t-elle duré 30 ans ?

Pour comprendre cet attachement singulier, il faut remonter aux origines de l'histoire du Minitel en France. À l'époque, la Direction Générale des Télécommunications (ancêtre de France Télécom) prend une décision radicale et unique au monde : distribuer gratuitement les terminaux pour remplacer les annuaires papier. Cette stratégie audacieuse permet d'équiper massivement la population. Au début des années 1990, le pic est atteint avec 6,5 millions de foyers équipés, selon les chiffres rapportés par L'Express.

Cette masse critique d'utilisateurs a créé un écosystème robuste. Même en 2011, à l'aube de son extinction, le service comptait encore 420 000 utilisateurs réguliers. Le Minitel n'était pas un simple gadget, mais le premier service grand public mondial offrant un accès centralisé à des services variés : annuaire, banque et vente par correspondance. Une prouesse qui a, paradoxalement, retardé l'adoption du Web dans l'Hexagone.

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Le coup de génie qui a rendu le système rentable

La véritable révolution n'était pas tant technique que financière. Le succès durable du terminal repose presque entièrement sur l'invention du modèle économique du kiosque 3615. Créé en février 1984, ce système permettait de facturer l'utilisateur directement sur sa facture de téléphone, à la durée, sans avoir besoin de carte bancaire ou d'abonnement complexe.

Ce système était une aubaine pour les créateurs de contenu. L'opérateur prélevait environ 30 % des revenus, reversant les 70 % restants à l'éditeur du service. Cette rentabilité a favorisé l'explosion de l'offre, avec plus de 25 000 services disponibles au milieu des années 90. Si l'annuaire électronique (3611) ou les réservations SNCF étaient populaires, l'essor a aussi été porté par les services emblématiques du Minitel rose, comme le célèbre 3615 Ulla, qui ont généré des profits colossaux.

Ce que nos usages numériques actuels doivent au Minitel

Tout empire a cependant une fin. Malgré un chiffre d'affaires qui atteignait encore 100 millions d'euros en 2007, le Minitel a fini par s'incliner. La raison est simple : le coût. Avec une tarification à la minute (environ 9,15 euros de l'heure pour les 3615) et une vitesse de connexion archaïque de 1200 bits par seconde, il ne pouvait rivaliser avec les forfaits illimités et le haut débit, expliquant pourquoi le Minitel a résisté à Internet un temps avant de s'effondrer logiquement.

Néanmoins, le Minitel a servi d'école du numérique pour toute une génération. Il a habitué les Français à des gestes qui sont aujourd'hui notre quotidien : réserver un billet de train, consulter son compte bancaire à distance ou discuter via une messagerie instantanée. Comme le souligne Back To Science, il a posé les fondations culturelles du commerce électronique et des réseaux sociaux en France bien avant l'heure.

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