RSA : le nouveau barème de sanctions de France Travail est en vigueur, jusqu'où peut aller la coupure de l'allocation ?

Publié par Elise Laurent
le 15/12/2025
France Travail
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Entré en vigueur en janvier 2025, le décret sur les sanctions applicables aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA) qui manqueraient à leurs obligations marque un tournant de la loi pour le plein emploi. Entre suspension partielle de l'allocation, obligation d'activité et logique de "suspension-remobilisation", décryptage du nouveau barème et des risques réels encourus.
 

L'année 2025 restera marquée comme celle du basculement pour les allocataires des minimas sociaux. L'automatisation de l'inscription auprès de France Travail a agi comme le premier étage d'une fusée législative visant à ramener les bénéficiaires vers l'emploi. Mais c'est bien le régime des sanctions, uniformisé sur tout le territoire depuis le début de l'année, qui cristallise aujourd'hui toutes les inquiétudes. Fini le temps des disparités locales : chaque allocataire est désormais lié par un "Contrat d'engagement" unique, dont le non-respect déclenche une procédure administrative redoutable, mais qui se veut pédagogique.

Comprendre la mécanique de la "suspension-remobilisation"

La grande nouveauté de cette réforme réside dans la différence entre radiation et suspension. Auparavant, une sanction entraînait souvent une perte sèche et définitive de l'allocation pour une période donnée. Désormais, le système privilégie la "suspension-remobilisation". Le principe est simple : si un allocataire ne respecte pas ses obligations (comme les 15 heures d'activité hebdomadaire pour ceux qui y sont soumis ou l'absence aux rendez-vous), le versement de son RSA est suspendu.

Cependant, l'argent n'est pas immédiatement perdu. Si la personne se "remobilise" et respecte à nouveau son contrat, l'administration procède au versement des sommes gelées, dans la limite de trois mois d'arriérés. L'objectif affiché par le gouvernement est clair : utiliser la sanction non plus comme une punition, mais comme un levier incitatif immédiat. 

Jusqu'où peut aller la coupure des vivres ?

C'est la question angoissante qui revient dans toutes les permanences sociales. Depuis janvier, en cas de manquement grave ou répété, la suppression de l'allocation peut devenir définitive. Toutefois, le législateur a dû intégrer des garde-fous pour protéger les enfants et les personnes dépendantes.

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Concrètement, la suspension ne peut pas être totale pour les foyers composés de plusieurs personnes. La loi impose le maintien d'une "fraction insaisissable" ou d'un socle minimum correspondant à la part de l'allocation destinée aux enfants et au conjoint. Par exemple, pour une famille monoparentale, seule la part "adulte" du bénéficiaire principal peut être gelée, ce qui revient souvent à plafonner la sanction autour de 50 % du montant total versé. 

La réalité du terrain : une sévérité accrue

Malgré ces protections théoriques, les remontées du terrain après douze mois d'application sont alarmantes. Les associations comme le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP) ou ATD Quart Monde dénoncent une automatisation déshumanisante des procédures. Le délai pour contester une décision ou justifier d'un motif légitime (problème de santé, garde d'enfant, absence de transport) est jugé trop court pour des publics souvent éloignés des démarches administratives.

De plus, si la loi est nationale, le pouvoir de décision finale reste entre les mains des présidents de Conseils départementaux. Dans certains territoires pilotes qui avaient anticipé la réforme, comme les Bouches-du-Rhône ou le Nord, la doctrine est celle de la fermeté : le refus de signer le contrat d'engagement ou l'absence non justifiée à une formation entraîne quasi systématiquement le déclenchement de la suspension.

Le spectre de la radiation définitive

Il ne faut pas s'y tromper : si la suspension-remobilisation offre une seconde chance, elle n'est pas éternelle. En cas d'échec de la remobilisation ou de récidive, la sanction bascule vers la radiation pure et simple. Dans ce cas, les droits sont supprimés pour une durée pouvant aller de un à quatre mois, sans aucune rétroactivité possible. C'est le stade ultime de la procédure, celui que les travailleurs sociaux redoutent le plus, car il pousse les allocataires vers une sortie des radars institutionnels, les privant non seulement de revenus, mais aussi de l'accompagnement nécessaire à leur réinsertion.

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