Impôt sur la fortune improductive : qui pourrait être pénalisé ?
L’Assemblée nationale a adopté ce vendredi 31 octobre un amendement transformant l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en "impôt sur la fortune improductive". Bijoux, œuvres d’art, yachts, cryptomonnaies et assurances-vie non orientées vers l’investissement productif seront désormais inclus dans l’assiette de l’impôt, rapporte Le Point. L’objectif affiché est de pousser les contribuables à orienter leur patrimoine vers l’économie réelle, comme l’immobilier locatif, les entreprises ou l’innovation, plutôt que vers des placements considérés comme "improductifs".
Un taux unique de 1 % est prévu à partir de 1,3 million d’euros de patrimoine, avec un abattement d’un million d’euros pour la résidence principale, rappelle BFM Patrimoine. Selon le Parti socialiste, la réforme pourrait rapporter jusqu’à 4 milliards d’euros, contre 2,2 milliards pour l’IFI en 2024, un chiffre jugé optimiste par plusieurs économistes.
Une réforme contestée par les experts
Pour l’économiste Marc Touati, cette réforme relève d’"une véritable folie fiscale". Selon lui, elle revient à "taxer l’ensemble du patrimoine des ménages français, y compris l’assurance-vie et les fonds en euros, ce qui est totalement absurde". Il estime que "les auteurs de cette loi sont déconnectés de la réalité". "Si vous investissez dans des actions, vous n’êtes pas taxé. En revanche, si vous placez votre épargne dans une assurance-vie en fonds euros, donc dans des instruments qui financent la dette publique, vous l’êtes. C’est incohérent", déplore-t-il.
L'essayiste insiste également sur le risque d’injustice sociale. "Cette mesure ne touche pas uniquement les plus riches. Elle concernera aussi ceux qui héritent d’un bien immobilier ayant pris de la valeur au fil des années. Les Français les plus modestes ou les classes moyennes risquent d’être les véritables victimes." Il met en garde contre "un contrôle généralisé du patrimoine des ménages" et "une forme de mise sous surveillance des contribuables". "Sous couvert d’égalité, on prend les Français en otage", ajoute-t-il.
Interrogé sur la notion de "fortune improductive", Marc Touati la juge "dangereuse, spoliatrice et inefficace". "Les personnes visées par cette taxe partiront à l’étranger. Cela ne fera qu’aggraver la crise immobilière et accélérer l’exode fiscal", prévient-il. Selon lui, "ceux qui ne peuvent pas partir seront les dindons de la farce : les classes moyennes". Et de conclure : "Si cette mesure est adoptée, on ouvre la boîte de Pandore."
Concernant l’impact économique, l’économiste estime que cette réforme "va aggraver l’exode fiscal et affaiblir le consentement à l’impôt". Elle toucherait surtout "la classe moyenne supérieure, car les très riches ont les moyens de se délocaliser ou d’optimiser leur fiscalité". "La France est déjà l’un des pays où la pression fiscale est la plus forte au monde, comparable à celle du Danemark", rappelle-t-il.
"C'est l'ancien ISF en pire", dénonce Marc Touati
L’amendement, initialement proposé par le député MoDem Jean-Paul Mattei et remanié par le socialiste Philippe Brun, a été voté par une coalition hétéroclite incluant le RN, le PS et le Modem. Le texte modifie profondément l’IFI, tout en maintenant un seuil d’imposition relativement bas à 1,3 million d’euros. Si certains, comme Philippe Brun, y voient un "rétablissement" de l’ISF, d’autres, comme Eric Coquerel (La France insoumise), dénoncent un "impôt sur la fortune immobilière affaibli”, rapporte BFM Patrimoine.
Le gouvernement, par la voix de la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, a émis un avis défavorable : “Il n'y a pas de certitude sur ce que ça rapporte. Est-ce que c'est le rétablissement de l'ISF ? C'est une forme d'ISF sur les fonds euros et les liquidités."
Enfin, sur les objectifs budgétaires affichés, Marc Touati reste sceptique. "L’idée de rapporter quatre milliards d’euros est totalement irréaliste. Chaque fois qu’on augmente les impôts, on fait fuir ceux qui peuvent les payer." Il met aussi en avant le manque de courage politique : "C’est l’ancien ISF, en pire. Plutôt que de taxer toujours davantage, il faudrait réduire les dépenses publiques et de fonctionnement, mais les dirigeants ne veulent pas remettre en cause leurs privilèges", conclut l'économiste.