Comment la science a permis d'arrêter le "violeur au tournevis" 10 ans après ?

Publié par Matthieu Chauvin
le 12/12/2025
Délinquant tournevis
Istock
Dix ans après l'agression sauvage d'une joggeuse à Poitiers, un suspect a été mis en examen ce jeudi 11 décembre, confondu grâce à la généalogie génétique. Cette méthode controversée pratiquée aux Etats-Unis contourne pourtant la législation française. Retour sur les faits qui ont conduit à l'arrestation du "violeur au tournevis."

C’est un soulagement immense pour la victime et une victoire pour les enquêteurs spécialisés. L’affaire du "violeur au tournevis", longtemps restée sans réponse, a connu une accélération soudaine cette semaine. Ce crime, marqué par une violence extrême, vient sans doute de trouver son épilogue judiciaire grâce à la persévérance du pôle "cold case" du parquet de Nanterre et à l'utilisation d'une technologie de pointe. 

Un profil inattendu pour une agression barbare

Le mystère planait depuis une décennie sur les bords du Clain, à Poitiers. Le 9 décembre dernier, les gendarmes de la section de recherches ont interpellé un homme de 28 ans en Indre-et-Loire. Ce dernier a été mis en examen ce jeudi 11 décembre pour "viol ", tentative de meurtre" et vol avec arme", rapporte Cnews. Cependant, un détail crucial change la donne judiciaire : le suspect était mineur au moment des faits, âgé de seulement 17 ans lors de l'agression.

Les faits, survenus le 23 juin 2015, sont d'une sauvagerie rare. Une joggeuse de 25 ans avait été attaquée, violée et étranglée, son agresseur la laissant pour morte après l'avoir "poignardée" avec un tournevis. Placé en garde à vue, le jeune homme a fini par reconnaître les faits, précise Le Nouveau Détective. Il a été écroué dans la foulée.

Une méthode d'enquête via les États-Unis

La résolution de cette énigme repose sur l'intervention du Pôle des Crimes Sériels ou Non Élucidés (PCSNE) de Nanterre, saisi du dossier en 2022. Les multiples consultations des fichiers traditionnels comme le Fnaeg (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) par les enquêteurs ne donnant rien ( même chose avec celui d'Interpol, à une plus grande échelle), la juge d'instruction a opté pour la généalogie génétique

Vous avez aimé cet article ?

Cette technique consiste à comparer l'ADN inconnu trouvé sur la scène de crime avec les bases de données de tests ADN "récréatifs", très populaires outre-Atlantique pour retrouver des ancêtres, ou en savoir plus sur ses origines. Cependant, cette pratique est interdite en France. Pour contourner cet obstacle, les magistrats ont utilisé la procédure de la commission rogatoire internationale et contacté le FBI. Comme l'explique le parquet de Nanterre, cité par Libération, la demande de comparaison a alors été adressée aux autorités américaines. 

Ce sont les agents du FBI qui ont accédé aux bases de données généalogiques, permettant de reconstruire l'arbre familial du suspect et d'identifier des cousins éloignés pour remonter jusqu'à lui. Cela éclaire le mode de fonctionnement du pôle cold case de Nanterre, capable d'activer des leviers internationaux pour résoudre des dossiers français.

Vers une évolution de la loi française

Cette arrestation marque un tournant pour la victime qui, selon son avocat interrogé par Le Parisien, "pensait qu'on ne le retrouverait jamais". Mais au-delà du soulagement, l'affaire met en lumière les conséquences juridiques de l'arrestation grâce à l'ADN généalogique. Si la méthode a prouvé son efficacité, notamment après l'identification du "grêlé" récemment ou celle du "prédateur des bois" en 2022, elle reste officiellement prohibée pour les laboratoires français.

Ce succès pourrait changer la donne. En octobre dernier, l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, aujourd'hui celui de la Justice, avait évoqué la nécessité d'adapter le cadre légal. Le débat s'oriente désormais vers une nouvelle loi sur l'utilisation des tests ADN par la police, afin de permettre aux enquêteurs français d'utiliser directement ces outils puissants sans dépendre systématiquement de la coopération américaine. En attendant, c'est bien la justice des mineurs qui devra statuer sur le sort d'un homme aujourd'hui âgé de 28 ans.

Google News Voir les commentaires