Les conditions de détention atroces des otages français en Iran
Arrêtés le 7 mai 2022 pour des motifs que la France a toujours qualifiés de "grotesques" alors qu'ils visitaient l'Iran en simples touristes, Cécile Kohler et Jacques Paris, aujourd'hui âgés de 41 et 72 ans, avaient été finalement lourdement condamnés le 14 octobre dernier. Les peines prononcées à l'encontre du couple d'enseignants soulignaient leur statut d'otages "d'Etat", utilisés par Téhéran comme monnaie d'échange diplomatique.
Leur "libération conditionnelle et sous caution" met un terme à une détention qui aura duré 1 277 jours, dans des conditions qualifiées par le ministère des Affaires étrangères "d'indignes et assimilables à de la torture". Ils sont assignés à résidence à l'ambassade de France et ne peuvent pour l'instant quitter la République islamique.
Des condamnations aux motifs invraisemblables
Il y a moins d'un mois donc, après une parodie de procès, ils avaient été condamnés, subtilité de la justice iranienne, à des peines multiples aux motifs variés, comme le rappelle Le Monde. Cécile Kohler à 10 ans, Jacques Paris à 6 ans pour "espionnage au profit du service de renseignement français." A cela s'ajoutaient 5 ans supplémentaires pour "complot et collusion en vue de commettre des actes contre la sécurité nationale."
Cerise sur le gâteau poursuit le quotidien du soir, la jeune femme avait en plus écopé de 20 ans de "prison en exil" pour "coopération en matière de renseignement avec le régime sioniste. Un chef d’accusation retenu au titre du moharebeh [un crime de guerre contre Dieu]", et le septuagénaire de 17 ans d'emprisonnement, en exil également, pour "complicité d'espionnage pour le compte d'Israël."
L'isolement et la "torture blanche" pour briser
Les informations relayées par leurs proches et des ONG comme Amnesty International ont décrit une réalité effroyable au sein de la tristement célèbre Section 209 de la prison d'Evin (bombardée en juin dernier par Israël, on avait alors craint pour leur vie). Cécile Kohler et Jacques Paris y ont subi de très longues périodes d'isolement complet, sans contact extérieur, dans une cellule éclairée 24h/24 par une lumière artificielle, sans fenêtre, sans table ni chaises et dormant à même le sol sur de simples couvertures. Ils étaient enfermés dans des cellules séparées de 9 m2, les partageant avec d'autres détenus qui vivaient le même calvaire.
Cette technique, connue sous le nom de "torture blanche", vise à briser le détenu psychologiquement par la privation sensorielle et la perte de tous les repères temporels. L'objectif : le rendre plus malléable lors des interrogatoires (le couple a fini par avouer les faits reprochés, sous la contrainte, à la télévision d'Etat iranienne). Cette situation a duré pendant les trois premiers mois.
La soeur de Cécile, Noémie Kohler, a révélé sur France 2 mercredi soir face à Léa Salamé que la jeune femme avait demandé tout au long de sa détention de quoi écrire, ce qui lui aurait toujours été refusé. Les conditions pour Jacques Paris étaient similaires : il n'aurait eu accès qu'à huit livres en 1 277 jours. Tous deux n'avaient droit qu'à de très rares sorties dans une cour (30 minutes trois fois par semaine), quelques visites consulaires et semble-t-il d'exceptionnels appels à leurs proches, de 5 minutes maximum et sous surveillance rapprochée.
Les premiers témoignages indirects de leurs avocats
Il y a quelques semaines, rappelle Le Parisien, leurs familles avaient tiré la sonnette d'alarme : "Jacques Paris avait confié à sa fille voir 'la mort en face', Noémie Kohler avait raconté 'qu’ils étaient arrivés au bout de ce qu’ils pouvaient éprouver'." C'est peut-être là que la diplomatie française a décidé d'accélérer.
Les avocats du couple de français, maîtres Martin Pradel, Chirinne Ardakani, Emma Villard et Karine Rivoallan, ont affirmé à France Info qu'ils "ne sont pas libres". "Empêchés de regagner la France et de retrouver leurs familles, ils demeurent privés de liberté, désormais sous la forme d'une interdiction de quitter la République islamique d'Iran" comme indiqué en introduction. C'est le premier qui a commencé à évoquer, une fois sortis de prison, ce qu'ont subi les deux enseignants.
"Ce qu’ils ont vécu est insoutenable (…) c’était de la torture", a déclaré maître Martin Pradel. "Quand vous mettez une personne à l’isolement, c’est difficile. Quand ça se prolonge, ça devient insoutenable, comme ça dure et ça a duré avec des incertitudes et une insécurité telle, oui ça s’assimile à la torture. Ce n’est pas seulement un point de vue personnel, c’est ce que disent les juridictions internationales sur ces traitements inhumains et dégradants infligés pendant plus de 1 200 jours."