CDI Senior : la clause polémique du Contrat de Valorisation de l'Expérience et ce qui va vraiment changer pour votre retraite à taux plein

Publié par Thibaut Lambert
le 16/10/2025
homme senior bureau
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Le Parlement a approuvé le Contrat de Valorisation de l'Expérience (CVE), un nouveau CDI expérimental pour les plus de 60 ans, dont la clause de rupture automatique au moment du taux plein fait débat.

Adopté définitivement par l'Assemblée nationale ce 15 octobre 2025, ce dispositif vise à relancer l'emploi des seniors mais suscite déjà de vives critiques. Présenté par le gouvernement comme une solution pour sécuriser la fin de carrière et atteindre l'objectif d'un taux d'emploi de 65 % des 60-64 ans d'ici 2030, ce "CDI Senior" est vu par d'autres comme un contrat précaire déguisé. Planet fait le point sur le fonctionnement de ce contrat et les conséquences concrètes pour les salariés concernés.

Un CDI expérimental pour les demandeurs d'emploi de 60 ans et plus

Présenté comme une mesure phare pour lutter contre ce que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qualifie de "gâchis du sous-emploi" des seniors, le Contrat de Valorisation de l'Expérience est un nouveau contrat de travail à durée indéterminée. Il est mis en place à titre expérimental pour une durée de cinq ans. Son efficacité sera donc évaluée à terme pour décider de sa pérennisation.

Ce CDI pour demandeurs d'emploi plus de 60 ans s'adresse à un public très spécifique. Pour y prétendre, il faut être âgé d'au moins 60 ans (voire 57 ans si un accord de branche étendu le prévoit), être inscrit à France Travail depuis plus de douze mois et, condition essentielle, ne pas disposer encore du nombre de trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Pour officialiser le contrat, le salarié doit fournir à son employeur un document de l'Assurance Retraite indiquant la date prévisionnelle à laquelle il atteindra les conditions du taux plein.

Une mise à la retraite simplifiée et sans l'accord du salarié

C'est le point qui cristallise toutes les tensions. La principale pomme de discorde réside dans la mise à la retraite d'office du Contrat de Valorisation de l'Expérience. La loi autorise l'employeur à rompre le contrat unilatéralement, sans avoir à recueillir l'accord du salarié, dès que ce dernier remplit les conditions pour liquider sa pension de vieillesse à taux plein. Cette disposition déroge ainsi à la règle générale qui interdit la mise à la retraite d'office d'un salarié avant l'âge de 70 ans.

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Pour les syndicats et une partie de l'opposition, ce mécanisme transforme le CVE en "CDI à durée déterminée déguisé" ou en "contrat boomer", dont l'échéance est directement liée à la situation personnelle du salarié. La date de fin du Contrat de Valorisation de l'Expérience est donc, de fait, connue d'avance, ce qui contredit le principe même du contrat à durée indéterminée.

Pour inciter les entreprises à jouer le jeu, le gouvernement a prévu un avantage financier non négligeable. En cas de mise à la retraite dans le cadre d'un CVE, l'entreprise bénéficie d'une exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l'indemnité versée. Cette exonération de 30 % sur l'indemnité de mise à la retraite d'un CDI senior est applicable pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

Parallèlement, la loi renforce le dialogue social en instaurant une négociation obligatoire sur l'emploi des seniors dans les entreprises de 300 salariés et plus. Cette négociation obligatoire sur l'emploi des seniors en entreprise de 300 salariés devra avoir lieu au moins tous les quatre ans et portera sur l'amélioration de leurs conditions de travail et leur maintien en poste.

Ce qui est garanti... et ce qui est menacé

Si votre employeur décide d'activer la clause de rupture, vous ne serez pas laissé sans ressources. La loi garantit au salarié le respect d'un préavis et le versement d'une compensation financière. Il est ainsi prévu que le salarié perçoive une indemnité de mise à la retraite égale à l'indemnité de licenciement, c'est-à-dire qu'elle ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement. Le montant exact dépendra de votre ancienneté et de votre salaire, mais cette parité assure un filet de sécurité.

Le principal inconvénient de ce dispositif concerne cependant la surcote. La surcote est une majoration de votre pension de retraite que vous pouvez obtenir en continuant à travailler et à cotiser au-delà de l'âge légal et du nombre de trimestres requis pour le taux plein. Or, puisque l'employeur peut mettre fin au CVE dès que le taux plein est atteint, le contrat empêche dans les faits le salarié de poursuivre son activité pour accumuler ces trimestres supplémentaires et ainsi bonifier sa future pension.

Enfin, il est à noter que le Contrat de Valorisation de l'Expérience reste compatible avec le dispositif de la retraite progressive. Sur accord de votre employeur, il vous sera donc possible d'aménager votre fin de carrière en passant à temps partiel tout en commençant à percevoir une partie de votre pension de retraite, une solution souple pour organiser une transition en douceur vers la fin de votre vie active.

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