Casse du Louvre : que risquent les deux suspects de Seine-Saint-Denis interpellés après le vol des joyaux ?
Une semaine après le vol spectaculaire de huit joyaux de la Couronne au musée du Louvre, dont le préjudice est estimé à 88 millions d'euros, deux suspects ont été arrêtés samedi soir. Connus des services de police, l’un, binational, s’apprêtait à quitter le territoire pour s'envoler vers l'Algérie à 20h40. Il a été arrêté à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle avant de pouvoir embarquer. Le second, qui lui, selon différentes sources, comptait s'enfuir au Mali, aurait été appréhendé plus tard à son domicile de Seine-Saint-Denis. Ils sont âgés d'une trentaines d'années et originaires du 93 (d'Aubervilliers pour l'individu franco-algérien). Les deux hommes étaient étroitement surveillés...
De petites mains qualifiés de "pieds nickelés"
Si, d'après le nouveau ministre de l'Intérieur Laurent Nunez, l'opération serait bien une initiative du grand banditisme, les fantasmes d'un commando professionnel ultra organisé se sont vite effondrés, comme l'évoquait le criminologue Éric Phelippot, que nous avions interrogé. En réalité, les nombreuses erreurs voire bourdes commises par les quatre cambrioleurs durant leur fuite ont tout de suite ou presque mis les enquêteurs sur leur piste. Du moins sur celle de deux d'entre eux, dont on ne sait pas encore s'ils étaient présents lors du cambriolage.
En descendant du monte-charge qui leur avait permis de pénétrer dans le musée, les quatre hommes ont laissé de nombreux indices derrière eux : un casque de moto, un gant, des disqueuses (qui leur ont servi à ouvrir la fenêtre du musée et la vitrine d'exposition des bijoux), un chalumeau, un gilet jaune (gilets grâce auxquels ils ont réussi à se faire passer pour des ouvriers), un talkie-walkie et un bidon d'essence avec lequel ils n'ont pas pu mettre le feu à l'engin de chantier de levage, volé semble-t-il dans le Val-d'Oise via le site Le Bon Coin. Des "pieds nickelés" affirment certains sources policières.
Plus de 150 traces ADN et empreintes digitales sur le site du casse
Si les deux suspects placés en garde à vue pour 96 heures au maximum (soit jusqu'à mercredi soir) n'étaient pas présents le jour J, leur ADN, l'était pour au moins l'un d'entre eux et ils auraient au moins pris part à la "logistique" : "150 prélèvements de traces ADN, papillaires et autres ont été réalisés" sur les lieux du cambriolage, avait révélé jeudi Laure Beccuau, la procureure de Paris. Si Laurent Nunez a également évoqué "des exécutants expérimentés, capables de préparer des opérations complexes sur commande" les faits semble démontrer le contraire.
Le célèbre journaliste spécialisé dans le grand banditisme Frédéric Ploquin a déclaré à France Télévisions : "Il y a une espèce de précipitation à partir du moment où les alarmes sonnent. On sent qu'ils sont stressés, ils descendent trop vite les échelles, ils perdent les bijoux, etc. Ça en disait long sur le semi-professionnalisme de ces individus."
Quelle peine risquent les deux suspects ?
Laure Beccuau, a confirmé que des poursuites sont engagées pour "vol en bande organisée" et "association de malfaiteurs". Cette double qualification fait sortir le dossier du champ correctionnel pour le faire entrer dans le champ criminel. Les suspects ne seraient en l'état actuel des choses pas jugés pour un délit, mais potentiellement par une Cour d'assises pour un crime, ce qui change radicalement la nature de la sanction encourue : la "réclusion criminelle et non pas "l'emprisonnement".
La peine maximale pour vol en bande organisée est définie par l'article 311-9 du Code pénal : elle s'élève à quinze ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d'amende. La circonstance de "bande organisée" suppose une préméditation et une structure, avec une répartition des rôles entre les malfaiteurs. La différence entre association de malfaiteurs et bande organisée est subtile : la première punit la préparation d'un crime, même non commis, tandis que la seconde est une circonstance aggravante du crime lui-même. De plus, l'article 311-4 du Code pénal précise que le fait de voler un bien culturel exposé dans un musée de France est aussi une circonstance aggravante.
Qui sait ce qu'il adviendra dans les jours qui viennent, alors que les bijoux n'ont pas encore été retrouvés ? Si l'un des deux gardés à vue révèle à qui ils ont été remis, ou qui a commandité le casse, bénéficiera-t-il de clémence, même s'il est peu probable que cela arrive, la règle étant le silence dans ce milieu ? Leur passé pourrait aussi jouer contre eux puisque l'un est déjà connu pour des braquages de bijouteries, la récidive étant aussi une circonstance aggravante.