Nucléaire : pourquoi la reprise des exportations d'uranium vers la Russie crée la polémique en France

Publié par Elise Laurent
le 18/11/2025
Nucléaire
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En pleine guerre en Ukraine, la France a repris l'envoi d'uranium de retraitement vers la Russie, une opération dénoncée par Greenpeace qui ravive la polémique sur la dépendance nucléaire française.
 

L'affaire a été révélée par l'ONG environnementale ce week-end. Samedi 15 novembre 2025, des militants ont observé le chargement d'une dizaine de conteneurs radioactifs sur le cargo Mikhail Dudin au port de Dunkerque, à destination de la Russie. Cette marchandise sensible est de l'uranium de retraitement (URT), appartenant à EDF et provenant de l'usine Orano de La Hague. 

Une expédition dénoncée par Greenpeace

Selon les informations de Greenpeace, le chargement d'uranium de retraitement sur le Mikhail Dudin a mis fin à une pause de plus de trois ans. Cette reprise de l'exportation d'uranium de retraitement vers la Russie depuis Dunkerque intervient à un moment politique sensible, juste avant la réception du président ukrainien Volodymyr Zelensky à l'Élysée, comme le rapporte Le Parisien.

Pour l'ONG, il s'agit d'un "signe inquiétant de l'intensification du commerce" entre l'industrie nucléaire tricolore et Rosatom, l'entreprise d'État russe. Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace France, dénonce dans les colonnes du quotidien "une nouvelle rupture entre les paroles et les actes du Président français". L'exécutif avait en effet demandé à EDF de suspendre ces exportations dès le début du conflit en 2022.

Un commerce légal mais une dépendance stratégique

Si cette opération choque, elle n'est pas illégale. Le secteur du nucléaire civil échappe pour l'instant aux sanctions internationales imposées par l'Union européenne à la Russie. "Ce n'est pas illégal, mais c'est immoral", a ainsi résumé Pauline Boyer auprès de l'AFP. Mais alors, pourquoi cet uranium de retraitement est-il envoyé en Russie ? La raison tient en un mot : la dépendance technologique. 

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Actuellement, seule Rosatom, via son usine de Seversk en Sibérie et sa filiale Tenex, possède le savoir-faire industriel pour convertir cet URT avant son ré-enrichissement. C'est dans ce cadre qu'EDF a signé en 2018 un contrat de 600 millions d'euros avec l'opérateur russe, illustrant la forte dépendance nucléaire française envers la Russie pour une partie de son cycle du combustible.

De la Sibérie aux centrales françaises, un circuit controversé

Les conséquences de ce commerce nucléaire entre la France et Rosatom soulèvent des questions environnementales majeures. D'après Greenpeace, près de 90 % de l'uranium envoyé en Russie ne reviendrait jamais et serait stocké sous forme de déchets sur le site de Tomsk-Seversk. Cette situation permettrait à la France de ne pas gérer cette matière sur son sol, où le stockage de l'URT à Pierrelatte dans la Drôme représente déjà un stock d'environ 35 000 tonnes

Seuls 10 % de la matière, une fois réenrichie, reviennent en France pour alimenter les quatre réacteurs de la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche). Pour s'affranchir de ce lien, le gouvernement a annoncé en mars 2024 envisager "sérieusement" la création d'une usine de conversion en France. Sollicités par l'AFP, ni EDF, ni Orano, ni le ministère de l'Énergie n'ont pour l'heure commenté cette nouvelle expédition.

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