Menace nucléaire : ces moments où le monde a failli sombrer dans la guerre totale
Quatre-vingt ans après les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (6 et 8 août 1945), le spectre de la guerre nucléaire hante toujours les relations internationales.
Le principal danger lié à l’arme nucléaire ne réside pas uniquement dans sa puissance destructrice, mais dans la mécanique de l’escalade. Lorsqu’un pays brandit cette arme, même à titre de menace, il introduit un facteur d’instabilité majeur dans le jeu diplomatique. La simple évocation d’un usage possible peut provoquer des réactions disproportionnées, des malentendus… et des erreurs aux conséquences irréversibles.
Le monde repose depuis 1945 sur ce qu’on appelle la dissuasion nucléaire : aucun État doté de l’arme ne la déclencherait en premier, car il sait qu’il serait rayé de la carte en retour. Ce principe de “destruction mutuelle assurée” a évité bien des conflits ouverts. Mais il suppose une chose essentielle : que les dirigeants soient rationnels, bien informés… et qu’aucun accident technique ne survienne.
Des accidents évités de justesse
Or, à plusieurs reprises, le monde est passé tout près d’un conflit nucléaire majeur, souvent sans que l’opinion publique ne le sache à l’époque.
C’est en 1945, avec les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, que le monde prend conscience de la portée réelle de l’arme atomique. Les États-Unis sont alors les seuls à la posséder, mais très vite, l’Union soviétique (1949), le Royaume-Uni (1952), la France (1960) et la Chine (1964) rejoignent le cercle très fermé des puissances nucléaires.
La guerre froide devient alors le théâtre d’une course à l’armement, où l’arsenal nucléaire joue le rôle d’assurance ultime contre l’ennemi. Pourtant, cette accumulation de bombes n’empêche pas les tensions : au contraire, elle les rend plus dangereuses. À chaque crise internationale, les états-majors des deux camps gardent le doigt sur le bouton rouge, prêts à riposter en cas d’attaque… même présumée.
Depuis les années 1990, la menace semblait s’éloigner, mais les dernières années ont montré qu’elle est loin d’avoir disparu. Les tensions en Ukraine, les provocations nord-coréennes, les conflits régionaux et la modernisation des arsenaux remettent la question nucléaire au centre des préoccupations géopolitiques.
Et l’Histoire regorge d’exemples où le pire a été évité… parfois de justesse. Découvrez les dans notre diaporama.
La crise des missiles de Cuba
L’un des épisodes les plus connus reste la crise des missiles de Cuba, en octobre 1962. Cette confrontation entre les États-Unis et l’Union soviétique a été déclenchée par l’installation de missiles nucléaires soviétiques sur l’île de Cuba, à quelques centaines de kilomètres des côtes américaines. Pendant treize jours, le monde entier a retenu son souffle. Washington impose un blocus maritime à Cuba, tandis que les forces armées américaines sont placées en alerte maximale. En face, l’URSS refuse de reculer, et l’échange épistolaire entre Kennedy et Khrouchtchev tourne au bras de fer diplomatique tendu. Une attaque semblait alors inévitable. Ce sont finalement les canaux de négociation secrets, et la volonté politique de désescalade, qui ont permis d’éviter le pire.
L'incident du 26 septembre 1983
Quelques années plus tard, en 1983, un autre épisode, bien moins connu du grand public, a vu le monde passer tout près d’une catastrophe : l’incident du 26 septembre. Cette nuit-là, Stanislav Petrov, un officier soviétique, est en poste dans un centre de surveillance des satellites d’alerte. Soudain, les ordinateurs lui signalent qu’un missile balistique intercontinental vient d’être lancé depuis les États-Unis, suivi de plusieurs autres. Le protocole exige qu’il prévienne immédiatement ses supérieurs, ce qui déclencherait une riposte nucléaire automatique. Mais Stanislav Petrov, estimant que cette attaque semble incohérente avec une véritable stratégie américaine, choisit de ne pas transmettre l’alerte. Il avait raison : il s’agissait d’un faux signal, causé par un alignement particulier des rayons solaires sur les satellites. Son sang-froid a évité une guerre qui aurait pu rayer des millions de vies de la carte. Ironie du sort, il fut blâmé, plutôt que félicité, par l’armée soviétique pour ne pas avoir respecté la procédure.
"Able Archer 83"
La guerre froide regorge de tels instants de bascule. En 1983 encore, dans le cadre de l’exercice militaire américain Able Archer, les États-Unis simulent une montée en puissance nucléaire pour tester leurs systèmes de commandement. L’URSS, persuadée qu’il s’agit d’un véritable prélude à une attaque, met ses forces en état d’alerte nucléaire. Moscou est convaincue que Washington cherche à frapper en premier sous couvert d’exercice. Là encore, c’est la prudence de certains dirigeants soviétiques, combinée à l’absence d’incident sur le terrain, qui empêche un engrenage fatal.
Les affrontements au Cachemire en 2001 et 2019
La menace nucléaire n’est pas cantonnée à l’époque de la guerre froide. Plus récemment, des tensions entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires voisines, ont inquiété la communauté internationale. En 2001, puis en 2019, des affrontements au Cachemire ont failli dégénérer.
La menace nord-coréenne
La Corée du Nord a régulièrement utilisé la menace nucléaire comme levier diplomatique. En 2017, les échanges entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump ont pris un ton belliqueux. Les tests de missiles balistiques intercontinentaux menés par Pyongyang, capables potentiellement d’atteindre le territoire américain, ont suscité des alertes réelles au Japon et en Corée du Sud.
La fusée norvégienne
Une équipe scientifique norvégienne lance une fusée pour observer les aurores boréales. Moscou détecte le tir et le confond avec un missile américain. Boris Eltsine, président de la Russie, active pour la première fois la valise nucléaire. Après quelques minutes de tension, le tir est identifié comme inoffensif.
Des incidents évités de justesse
Ces incidents révèlent un fait souvent oublié : la paix nucléaire ne tient pas seulement aux grandes décisions politiques, mais aussi à des détails, des jugements humains, des systèmes informatiques… et parfois à la chance.