Les révélations de 60 Millions de Consommateurs sur les poupées pédopornographiques vendues par Shein

Publié par Matthieu Chauvin
le 07/11/2025
Shein
Autre
© Shein
Le scandale de la vente de poupées à caractère pédopornographique sur le site chinois Shein a mis du temps avant d'être révélé aux Français. Dès le 30 octobre, l'association signalait cette ignominie à la Répression des fraudes. Plusieurs jours auront été nécessaires avant que les autorités ne réagissent en sommant la plateforme de retirer ces produits proposés par des marchands tiers.

Alexandre Ledrait est maître de conférences en psychopathologie clinique à l’université de Caen. C'est aussi l'ancien directeur d’un service inscrit sur la liste des experts de la Cour d’appel de Paris sur le volet mineur, et réalisant des expertises au pénal dans des affaires pédocriminelles. Il sait donc de quoi il parle quand il livre son analyse sur "l'affaire Shein." Et nous sommes bien loin de celle qui traite des jouets défectueux.

Les poupées vendues sur Shein : une incitation au passage à l'acte ?

Et il n'y va pas de main morte en ce qui concerne les potentiels acheteurs de poupées à caractère pédopornographique qui étaient proposées à la vente jusqu'à 200 euros et plus sur le site chinois, avant d'en être bannies : "Ces poupées ne sont pas des poupées, ce sont des autorisations de crimes pédocriminels par projection qui risquent de permettre le basculement sur un enfant réel qui se verra objectalisé. Cette 'non-poupée' qui porte en ses bras un doudou semble être de phénotype eurasien, nous rappelant les derniers scandales des viols d’enfant en streaming." 

Alexandre Ledrait poursuit : "Loin d’incarner un rempart contre un passage à l’acte, l’utilisation de ces non-poupées permettra à certains individus de s’habituer mentalement et physiquement à l’idée d’une agression sexuelle sur enfant. De l’objet-enfant à l’enfant objet, il n’y a qu’un pas que précipite le fait de pouvoir, en France, et avec quelques clics, s’adonner à de la pédocriminalité par procuration."

60 Millions de Consommateurs avait lancé l'alerte

L'association rapporte qu'une lectrice a tenté, la première, d'avertir les autorités, avant d'envoyer un mail indigné à la rédaction. "Je suis allée sur le site Shein, dans les onglets 'beauté et santé" puis 'bien-être sexuel'. Ils vendent des poupées sexuelles imitant des enfants. Comment peut-on autoriser cela ?! J’ai fait un signalement sur Signal Conso [le 24 octobre à 9 h 43, Ndlr] mais j’ai reçu le message que Shein étant un site étranger, il fallait signaler sur une autre plateforme !"

Vous avez aimé cet article ?

C'est peu dire que la Répression des fraudes n'avait pas idée du séisme qu'allait déclencher cette non-réaction. 60 Millions de Consommateurs effectue des vérifications et prend l'affaire à bars le corps en avertissant à son tour la DGCCRF à propos de ce qui est qualifié dans son signalement de "gravissime." Et, miracle, 48 heures après (tout de même), les poupées de l'horreur, proposées sur Shein par des vendeur "tiers", disparaissaient du site du géant chinois.

La confraternité a permis de rétablir la vérité

Outré, Bercy a commencé par nier avoir refusé de prendre en compte le signalement de la lectrice à la DGCCRF. Ce, suite à un article paru dans le Canard Enchaîné qui affirmait : "Il a fallu que celle-ci dénonce l’affaire au magazine 60 millions de Consommateurs pour que le ministère se décide à réagir." Puis, en réaction au papier du palmipède, le ministère a fini par reconnaître que c'était bien grâce à l'association que "la saisine du procureur de la République par la Répression des fraudes" avait pu avoir lieu. Et mis la machine en branle.

En réalité, on peut se demander s'il est vraiment utile de s'adresser à Signal Conso. L'association révèle que la lanceuse d'alerte a par la suite reçu "un message automatique : celui-ci l’invitait à signaler les poupées pédopornographiques de Shein sur la plateforme econsumer.gov/fr…" Puis, elle a été "renvoyée vers une plateforme gouvernementale américaine 'qui permet de déposer plainte suite à une arnaque internationale' (sic)." Sauf qu'aucun "signalement n’y est possible en raison du shutdown budgétaire qui suspend nombre de services publics outre-Atlantique…" Elle a donc fini par contacter 60 Millions.

Des pratiques commerciales ignobles

Cinq modèles de poupées ont été trouvés sur la plateforme : "L’une assise sur un cheval à bascule, deux autres tenant l’une un lapin et l’autre un ours en peluche, ou encore une autre vêtue d’une robe constellée de fraises et de biberons. La candeur de ces poupées jurait cruellement avec les mots-clés explicites compilés en haut de la fiche produit : 'jouet de masturbation masculine avec corps érotique ', 'vagin', 'anus jouet'."

Les vendeurs, qui utilisaient Shein en tant que "marketplace", n'ayant pas eux-mêmes de boutique en ligne, semblent bel et bien chinois, également. Leurs noms ne sonnent pas "asiatique" : "Venus Toys" et "Dreamy Doll." Mais l'un est domicilié dans deux villes de la République populaire, l'autre... a une adresse en France, une épicerie chinoise de Seine-et-Marne !

Des acheteurs coupables ou niais ?

60 Millions de Consommateurs a pu capturer le commentaire suivant, posté par l'acheteur d'une poupée sur le site : "C’est carrément un substitut pour pédophile, c’est choquant, on dirait un enfant moins de 10 ans, je demande un remboursement immédiat ou je porte plainte." Une manière se protéger après coup ? Cela y ressemble. 

Véronique Béchu, membre de l’association e-enfance et directrice de l’Observatoire contre le harcèlement et les violences numériques faites aux mineurs, a déclaré à l'association que "Les vendeurs, en habillant leurs poupées, ont tenté de contourner la législation, qui sanctionne sévèrement les représentations de mineurs dénudés. Compte tenu des commentaires publiés sous les poupées, plus qu’explicites, et des caractéristiques crûment détaillées, il y a largement matière à considérer que ces représentations de mineurs sont bien à caractère sexuel. Et qu’elles tombent sous le coup de la loi."

Laissons la conclusion au maître de conférences Alexandre Ledrait : "Pour ce qui est du positionnement du gouvernement dans cette affaire : la réponse du gouvernement n’est pas à la hauteur. Il faut une tolérance zéro : des sanctions économiques fortes contre les plateformes, les distributeurs, les fabricants et les acheteurs. Les sommes prélevées doivent financer la prévention et l’accompagnement des victimes. Sans cela, le signal envoyé est celui d’une impunité partielle ou d’un acte pédocriminel non-dit eu égard au consentement que peut ressentir le consommateur quant à la facilité d’accès sur ces grandes chaînes de distribution."

"Le boycott de la marque ou des sanctions exemplaires seraient le signal d’une non-complicité/ duplicité qui viendrait mettre plus d’éthique dans cet étalage de débauche consumériste, du vêtement de la fast fashion à la pédocriminalité mercantile où l’enfant est devenu un objet de consommation comme les autres."

Google News Voir les commentaires