Blue Monday, journée mondiale du Nutella… Qui orchestre vraiment les journées mondiales ?

Publié par Elise Laurent
le 05/12/2025
Calendrier
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Le 1er décembre, nous commémorions la lutte contre le VIH. Quelques mois plus tôt, certains célébraient... la frite ou le pull moche de Noël. Face à cette prolifération de dates, une question se pose : qui orchestre ce ballet incessant ? Si l'ONU gère les causes humanitaires vitales, une myriade de journées sont en réalité l'œuvre de lobbys et de stratégies marketing bien rodées.

L'agenda international frôle l'indigestion. D'un côté, des combats historiques et essentiels, incarnés par la Journée mondiale de lutte contre le sida, instaurée dès 1988 par l'OMS. De l'autre, des événements anecdotiques comme la "Journée internationale du chat" ou la "Journée mondiale du Nutella". Cette saturation crée un brouillage médiatique où l'urgence humanitaire se retrouve parfois en concurrence frontale avec des opérations commerciales déguisées. Planet décrypte pour vous les coulisses d'un calendrier devenu tentaculaire.

Pourquoi notre calendrier est-il devenu si encombré ?

La sensation de surcharge n'est pas qu'une impression. Le calendrier officiel de l'Organisation des Nations Unies (ONU) compte à lui seul près de 220 journées internationales, et la liste ne cesse de s'allonger. Cette densité est telle que certaines dates sont partagées par plusieurs causes. Le 21 mars, par exemple, est à la fois la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, la Journée mondiale de la poésie, la Journée internationale de Nowruz, la Journée mondiale de la trisomie 21 et la Journée internationale des forêts.

Cette accumulation explique pourquoi le calendrier des journées mondiales est surchargé : à côté des causes validées par les plus hautes instances internationales s'est développée une myriade d'initiatives privées, allant de la simple association de passionnés au lobby industriel. Résultat ? Un calendrier où le crucial côtoie le commercial, rendant parfois le message des causes les plus sérieuses moins audible.

Qui se cache derrière la création de ces journées ?

Pour y voir plus clair, il faut comprendre qu'il existe deux processus de création bien distincts. C’est là que réside toute la différence entre une journée mondiale officielle et une initiative officieuse. D'une part, le circuit officiel est piloté par l'ONU et ses institutions spécialisées comme l'UNESCO ou l'OMS. Le processus est formel : un ou plusieurs États membres proposent un projet de résolution, qui est ensuite soumis au vote de l'Assemblée générale. L'objectif est de sensibiliser le public et de mobiliser les gouvernements sur des enjeux planétaires comme la paix, les droits humains ou la santé. La création de la Journée mondiale du sida par l'OMS en est un parfait exemple.

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D'autre part, un circuit officieux, bien plus opaque, est à l'œuvre. De nombreuses "journées mondiales" n'ont aucune reconnaissance institutionnelle et sont lancées par des entreprises, des fédérations professionnelles ou des associations. Derrière la Journée de la bière ou celle du chat se cache souvent l'objectif du lobbying commercial : utiliser une date comme un levier marketing pour engager les communautés sur les réseaux sociaux, générer du contenu et, au final, stimuler les ventes. 

C'est le cas par exemple du "Blue Monday" (3e lundi de janvier). Le concept ? Il serait le jour "le plus déprimant de l'année". En réalité, il a été inventé de toutes pièces en 2005 par une agence de communication (Porter Novelli) pour le compte de la chaîne de voyage Sky Travel. L'objectif était de pousser les consommateurs à réserver leurs vacances d'été dès janvier pour se remonter le moral. Une fausse formule mathématique avait même été créée pour donner une caution scientifique à ce coup de pub.

Autre exemple, la "Journée mondiale du Nutella" (5 février) n'est pas une invention directe de l'industriel, mais l'initiative spontanée d'une blogueuse américaine, Sara Rosso, lancée en 2007. Flairant l'incroyable potentiel promotionnel, la marque Ferrero a fini par reprendre officiellement les rênes de l'événement en 2015. Ce qui était au départ un hommage de fans s'est transformé en une machine marketing pilotée par le groupe : chaque année, l'enseigne encourage des millions d'internautes à se mettre en scène avec leurs pots sur les réseaux sociaux. 
 

Comment faire la différence entre une cause majeure et un coup marketing ?

Alors, comment savoir si une journée est reconnue par l'ONU ? Le critère le plus simple est de se référer à son origine et à sa thématique. Une journée officielle est systématiquement issue d'une résolution de l'Assemblée générale et est toujours liée aux grands domaines d'action de l'organisation : la paix et la sécurité, le développement durable, la protection des droits humains ou encore l'action humanitaire.

Pour le citoyen, ces journées sont une occasion de s'informer et de s'engager auprès d'associations qui luttent pour des causes fondamentales. Pour le consommateur, il s'agit d'apprendre à identifier le marketing d'opportunité derrière les journées "produits", qui visent avant tout à déclencher un acte d'achat. 

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