La réforme des retraites suspendue, bientôt de nouveau rétablie ?
A l’occasion de l’examen du budget à l’Assemblée nationale, la réforme des retraites refait surface. Pour le président du Sénat, Gérard Larcher, il est hors de question de revenir sur cette réforme.
"Le Sénat rétablira la réforme des retraites"
Au sein d’une interview accordée au Parisien, Gérard Larcher a martelé : "Le Sénat rétablira la réforme des retraites. Nous la votons depuis cinq ans." Pour lui, l’abandon de la réforme pèserait lourdement sur les comptes publics : "son abandon, c’est 30 milliards de déficit en 2035." "Il est clair que le Premier ministre regarde surtout du côté des socialistes ! Il a abandonné le 49.3 comme un cadeau de Noël, mais les socialistes en demandent et en demanderont toujours plus", critique Gérard Larcher.
Du côté de l’opposition, le ton est tout autre. Le député PS Philippe Brun a qualifié de "lamentable" la posture de M. Larcher sur RTL, rappelant que, "dans nos institutions, l’Assemblée nationale a le dernier mot". Il a en outre estimé "indécent" que des sénateurs, soumis à un régime spécial, menacent de revenir sur une décision éventuelle de l’Assemblée.
Un délai de 50 jours pour examiner le texte
Le rapport de forces se joue aussi sur le terrain juridique. L’article 47-1 de la Constitution impose un délai d’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 50 jours : 20 jours à l’Assemblée nationale, puis transmission au Sénat si le texte n’est pas voté. Le Sénat dispose alors de 15 jours pour l’examiner, une fenêtre pendant laquelle la majorité de droite peut modifier le texte et potentiellement y réintégrer la réforme.
Si le gouvernement peut user de l’article 40 pour déclarer irrecevables certains amendements qui aggraveraient une charge publique, plusieurs constitutionnalistes notent que la suppression d’une suspension de réforme, génératrice d’économies, pourrait échapper à ce filtre.
L’absence annoncée du 49.3 redistribue les cartes
L’engagement public du Premier ministre, pris lors de sa déclaration de politique générale, de ne pas recourir à l’article 49.3 modifie profondément la stratégie gouvernementale. Privé de cet outil, l’exécutif ne peut plus imposer un texte sans vote ; il est contraint à la négociation.
Sans 49.3, si l’Assemblée rejette la version amendée par le Sénat, le texte repart pour de nouvelles lectures, prolongeant un bras de fer parlementaire. La ministre Maud Brégeon a résumé la situation : "Ce ne sera ni le budget des socialistes ni celui de Sébastien Lecornu, ce sera celui du Parlement." En cas d’impasse totale au-delà des 50 jours, le gouvernement pourrait envisager l’application de dispositions par ordonnance, un scénario susceptible d’ouvrir une crise institutionnelle.
Mais la France aura-t-elle un budget voté et un PLFSS clair au 31 décembre ? Gérard Larcher dit vouloir un budget mais refuse “d’accepter n’importe quoi”. La droite sénatoriale travaille, selon lui, à une proposition avec 32,5 milliards d’économies.