Durcissement de l'AME : quelles conséquences pour les étrangers ?
L'AME, pour "aide médicale d'État", fut créée en 2000, quand le socialiste Lionel Jospin était Premier ministre du Président d'alors, Jacques Chirac. Elle a pour but de faire prendre en charge par l'Assurance maladie 100% des soins médicaux et hospitaliers dont auraient besoin des étrangers en situation irrégulière sur le sol français. Sous conditions de ressources entre autres (les détails sur le site du service public).
L'AME : combien ça coûte vraiment ?
Mais son coût annuel est jugé exorbitant par tous les partis de droite (de celui de Bruno Retailleau à celui d'Eric Zemmour, en passant par celui de Jordan Bardella) et d'après ces derniers, l'AME serait en partie responsable de l'immigration illégale, et favoriserait "le tourisme médical" de personnes qui ne viendraient en France que pour se faire soigner gratuitement avant de repartir.
Effectivement, son coût n'est pas anodin, même s'il est à relativiser puisqu'il ne représente, d'après un rapport du Sénat, qu'un peu plus de 0,5 % des dépenses de santé du pays. Mais, indique le même, rapport, il s'élevait à 1,387 milliard d’euros en 2024 contre 828 millions d’euros en 2014 : une augmentation de 67,6 % en 10 ans.
"Une mesure de bon sens"
Longtemps, même à droite, toucher à l'AME est resté tabou, la France étant le pays des Droits de l'Homme, et une terre d'accueil. Mais voilà : "Lorsque vous demandez des efforts aux Français, il n’est pas possible que le sentiment que les Français éprouvent est qu’eux doivent faire des efforts et que tout le monde n’y soit pas associé (...) ce n’est pas possible que les étrangers que nous accueillons et que nous aidons ne soient pas associés à cet effort", a déclaré le Premier ministre sur RMC-BFM TV le 3 septembre, interrogé par Apolline de Malherbe. Et d'évoquer "Une mesure de bons sens", lui qui n'était pas favorable à sa réforme...
AME : ce que François Bayrou veut changer
Le Premier ministre a remarqué avec étonnement que dans le cadre de l'AME "Il y avait, par exemple, dans la liste des soins de la balnéothérapie. Ce n’est pas normal, ce n’est pas raisonnable." Il souhaite aussi, rapporte Le Parisien, "soumettre à accord préalable" des soins qui sont pris en charge après neuf mois de présence sur notre sol : "certains actes de masso-kinésithérapie, les lunettes, les audioprothèses, les soins prothétiques dentaires et les transports sanitaires pour des soins programmés non urgents en ville", d'après une liste citée par le ministère de la Santé.
Sans cet accord préalable, il n'y aurait plus de gratuité systématique pour les étrangers en situation illégale. D'autres soins seraient concernés, sans que l'on n'en sache plus pour le moment.
Des contrôles d'identité et de ressources renforcés
François Bayrou propose aussi, en plus des pièces justificatives habituelles demandées aux bénéficiaires de l'AME, d'exiger "la présentation de documents d’identité comportant une photographie." Sans remettre l'aide en question, il est incroyable que ça ne soit déjà pas le cas... Autre proposition : celle de "prendre en compte les revenus des membres du foyer dans l’appréciation de la condition de ressources."
En effet, comme nous l'apprend Capital, "Actuellement, les services tiennent uniquement compte des ressources des personnes à la charge du demandeur." Cette dernière mesure permettrait, si le bénéficiaire a un conjoint ou concubin en situation régulière, que les revenus de ces derniers soient également pris en compte dans le calcul du plafond au-dessus duquel l'AME pourrait être refusée.
Une ONG crie déjà au scandale
Si le ministère s'est défendu, arguant que "Les mesures proposées ne remettent nullement en cause le dispositif de l’AME, mais constituent des ajustements conformes aux recommandations du rapport Evin-Stéfanini", qui préconise son maintien mais avec des ajustements comme ceux évoqués dans cet article, une ONG, Médecins du monde, a publié un communiqué farouchement contre cette réforme, qui aurait "des conséquences directes et graves sur la santé des personnes en situation irrégulière les plus précaires" et se répercuterait "inévitablement sur les urgences et sur les hôpitaux, accentuant la crise de notre système de santé."
En attendant au moins jusqu'au 8 septembre, jour du vote de confiance à l'Assemblée, ces mesures n'en sont qu'au stade de décrets non publiés et tout pourrait changer rapidement. Surtout si la gauche arrive au pouvoir.