Affaire Dreyfus : du nouveau plus de 130 ans plus tard !

Publié par Matthieu Chauvin
le 06/11/2025
Procès affaire Dreyfus
abacapress
© World History Archive/ABACA
Plus de 131 ans après la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus sur fond d'antisémitisme, déporté en Guyane avant d'être innocenté des accusations de trahison au profit de l'Empire allemand, sa réhabilitation se poursuit. Suite à un vote des députés en juin dernier et du Sénat jeudi 6 novembre, il a été élevé au rang de général de général de brigade à titre posthume.
 

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, officier d'artillerie de l'armée française, de confession juive, est condamné pour espionnage au profit de l'Empire allemand, ce qui est considéré comme de la trahison. En 1895, il est déporté (c'est le terme) et emprisonné sur la terrible île du Diable au large de la Guyane, ancienne colonie pénitentiaire célèbre pour son bagne, qui heureusement pour le militaire avait, été fermé 20 ans plus tôt. La suite est connue. 

Pendant son absence, l'affaire Dreyfus devient l'affaire d'Etat qui marquera la IIIe République, les Dreyfusards, ses partisans, commenceront à organiser sa défense, Emile Zola écrira J'accuse en une du journal L'Aurore en 1898. Car très vite, ils avaient senti que cette histoire de trahison "sentait mauvais".

Une nouvelle humiliation malgré sa réintégration

En 1906, Alfred Dreyfus est innocenté par la Cour de cassation le 12 juillet 1906. Les documents qui l'avaient incriminé étaient des faux. Quand l'état-major de l'armée s'en est rendu compte, il a préféré se taire pour ne pas perdre la face. Peu importe le sort du capitaine : il était juif, et l'antisémitisme était alors à niveau très élevé dans les milieux intellectuels français

Les Antidreyfusards, dont faisaient partie des antisémites notoires, poussaient eux pour que sa culpabilité soit établie. Dès son innocence reconnue, il sera immédiatement réintégré à cette armée qui l'avait sali. Mais, ultime humiliation, à un grade inférieur à son rang, chef d'escadron, alors que ses 5 années de détention en Guyane auraient dû au contraire lui permettre de prétendre à un grade supérieur à celui de capitaine...

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"Une double peine, en plus de son emprisonnement dans des conditions de détention atroces" s'était ému Michel Dreyfus, son arrière-petit-fils, auprès de l'AFP. Il la quittera faute de pouvoir la réintégrer avec son rang en 1907, mais s'engagera à nouveau et participera même à la Première Guerre Mondiale. Il mourra chez lui, à Paris, en 1935.

130 après, l'affaire Dreyfus est toujours polémique

A une époque où l'antisémitisme refait surface de façon fracassante, faisant régulièrement la une de l'actualité, l'affaire Dreyfus reste comme un caillou dans la chaussure de la France républicaine. Aussi, un texte de loi proposé par Gabriel Attal était examiné au Sénat, porté par son membre socialiste Patrick Kanner,  jeudi 6 novembre. On pouvait y lire "La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade."

L'Assemblée nationale avait déjà voté pour cette réhabilitation soumise par l'ancien Premier ministre le 2 juin dernier. Emmanuel Macron avait ensuite annoncé "l'instauration d'une journée nationale de commémoration pour la reconnaissance de son innocence, chaque 12 juillet" rappelle L'Indépendant. Ne restait plus qu'à passer, normalement "comme une lettre à la Poste", l'étape du haut Parlement. Mais comme d'habitude avec l'affaire Dreyfus, même 130 ans après, une polémique est née. 

La peur d'une récupération politique

Le quotidien régional donne l'exemple de députés MoDem qui craignaient une "instrumentalisation" politique de cette proposition de loi, qui donnerait le "sentiment fallacieux" que la classe politique serait "réellement unie pour faire face à l'antisémitisme d'aujourd'hui ou de demain". Ce qui ne serait pas la cas selon eux, visant ouvertement la France Insoumise. Des sénateur républicains et centristes avaient même fait part de leur volonté de s'abstenir voire de ne pas être présent au moment du vote. Emmanuel Macron lui-même, malgré son initiative citée précédemment, était réticent.

Toujours à l'AFP, Cédric Perin, le président LR de la commission des Forces armées, s'était dit "profondément gêné" par  que ce texte représente pour "certaines formations politiques l'opportunité de s'acheter à bon compte une virginité de façade en matière d'antisémitisme."  La France Insoumise, le Nouveau Parti Anticapitaliste de Philippe Poutou mais aussi le Rassemblement national ?

Le Sénat vote finalement le texte à l'unanimité

La réhabilitation d'Alfred Dreyfus, même symbolique, a finalement été actée, votée à l'unanimité ce jeudi par les sénateurs. Ouest-France rapporte qu'il n'y a, malgré les réserves, pas eu d'abstention ni de voix contre. Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées et des anciens combattants, a rappelé "l’honneur bafoué" de celui est désormais élevé au grade de général de brigade, parlant de lui comme d'un "Français admirable."

"Ce geste est symbolique mais il répond à une injustice vieille depuis plus d’un siècle. Il s’agit de rendre à Dreyfus ce qui lui fut inaccessible ", dans un contexte où les actes antisémites connaissent, a-t-elle ajouté, relatent nos confrères, "une terrible et insupportable progression." Des descendants d'Alfred Dreyfus étaient présents. 

Patrick Kanner a néanmoins fait une remarque ciblée : "Permettez moi de souligner l’absence des quatre sénateurs d’extrême droite." Le sénateur Les Républicains Roger Karoutchi a lui déclaré : "J’aurai préféré, de loin, qu’on propose la panthéonisation d’Alfred Dreyfus." Il a quand même voté "pour." Nous n'avons sans doute pas encore fini de parler de cette affaire.

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