Météo : quel est ce phénomène d’orages secs craint par les météorologues cet été ? IllustrationIstock
INTERVIEW. Les orages secs font leur retour cet été et les météorologues sont inquiets des conséquences que pourrait avoir ce phénomène. Mais à quoi correspond ce système météorologique ? Pourquoi est-il craint ? Les météorologues Patrick Marlière et Guillaume Jauseau nous répondent.
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Les orages ne nous quitteront pas cet été. Depuis plusieurs semaines, la majorité du territoire français est touché par de fortes averses. Mais si ces dernières devraient se tempérer, ce n'est pas le cas des orages. En effet, le phénomène d'orage sec va faire son grand retour cet été. Mais à quoi correspond-il ? Quelle est la différence avec un orage classique, et quelles en sont les conséquences ? 

"C’est un peu ce que l’on craint", nous explique Patrick Marlière, météorologue et directeur d'Agate Météo, lorsqu'on lui demande si ce phénomène sera de retour cet été. En effet, en septembre 2022, un orage sec s'était déclaré à Alençon, dans l'Orne. Ce dernier avait provoqué des dégâts mineurs. Assez rare, ce phénomène avait fait l'objet de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Mais quelles sont ses spécificités ? "C’est une dégradation orageuse qui ne s’accompagne pas de précipitations, d’où sa qualification de sec", poursuit Patrick Marlière. Néanmoins, "il a lieu à-peu-près tous les été, mais représente une très faible partie de tous les orages qui se déclarent", précise Guillaume Jauseau, météorologue en charge du pôle scientifique de Météo & Radar. Mais comment se forment-ils ?

La formation d'un orage particulier

Si l'orage sec ne s'accompagne pas de pluies, ce dernier se forme de la même manière qu'un orage classique. En effet, "c’est à peu près la même base d’orage", explique Guillaume Jauseau.  Selon Météo-France, le cumulonimbus est le nuage caractéristique des phénomènes orageux. Il provoque également des chutes de grêle et peut atteindre jusqu'à 15 kilomètres de large. Lors de la création d'un orage sec, ce nuage est donc bien présent, mais certaines conditions climatiques empêchent les gouttelettes de pluie d'atteindre le sol. 

D'après Guillaume Jauseau, trois facteurs peuvent expliquer l'absence de précipitations lors de ces orages estivaux : 

  • Lorsqu'en basse couche, les météorologues observent un manque d'humidité. L'air est alors trop sec pour que l'eau atteigne le sol. 
  • Lors de courants ascendants. Les " puissants courants de vent empêchent les goutelettes d’eau de descendre jusqu’au sol".
  • Lors de courants descendants. "Ils peuvent être tellement chauds qu’ils vont évaporer les précipitations avant qu’ils atteignent le sol". 

Mais pourquoi les météorologues sont-ils si inquiets de leur retour ? 

L'ennemi des forêts 

"Ces orages secs provoquent une activité électrique importante et renforcent les risques d’incendie", précise Patrick Marlière. "Quand ils arrivent en période de sécheresse, c'est-à-dire lorsqu'on est en déficit de pluie depuis plusieurs semaines, la foudre au sol va toucher des arbres et provoquer des feux", poursuit-il. Ce phénomène est donc particulièrement craint pour les feux de forêts violents qu'il peut provoquer.

"C’est l’un des principaux types d’orages qui entraînent des feux de forêt", informe Guillaume Jauseau.  En effet, les météorologues considèrent qu'entre 10 et 15 % de ces incendies sont causés par des phénomènes naturels comme les orages secs. Les départs de feux ne pouvant être éteints par la pluie, les orages secs peuvent provoquer des dégâts plus importants. Mais "il n'y a pas seulement le risque de feux de forêt", ajoute Patrick Marlière. 

Une activité électrique puissante

Lorsque les spécialistes prévoient l'arrivée d'orages secs, ces derniers considèrent que l'activité électrique est garantie. Or, cette situation provoque d'autres conséquences, notamment dans les habitations. "Si ça tombe chez vous ou proche de chez vous, généralement ça peut faire des dégâts dans les habitations car ce type d’impact peut même provoquer des explosions", précise Patrick Marlière. "Par exemple, lors de la dernière activité électrique, celle de la foudre est bien plus importante autour du phénomène météo qu'au centre de l’orage", illustre-t-il.

En d'autres termes, la foudre peut tomber au-dessus de vous, même si l'orage ne s'est pas déclaré dans votre zone d'habitation. Ce phénomène peut donc être à l'origine de nombreuses catastrophes. Néanmoins, ces derniers ne devraient pas être plus nombreux dans les prochaines années. "Ils seront beaucoup plus puissants car ils auront beaucoup plus la capacité de se développer, d’acquérir en énergie, notamment avec le réchauffement climatique qui va leur fournir une énergie supplémentaire pour déverser plus de de pluie en un très court laps de temps", annonce alors Guillaume Jauseau. Mais quelles sont les précautions à prendre lors de ces orages ? Peut-on vraiment s'en protéger ? 

Des conséquences difficiles à prédire 

"Les orages sont des systèmes très compliqués à prévoir", précise Guillaume Jauseau. Par conséquent, il est difficile de prédire le lieu où la foudre va tomber. "Lors de la présence de ces orages secs, évidemment on doit être vigilant, mais c’est après le passage de ces orages qu’il devrait y avoir un système de contrôle qui puisse voir si la foudre n’est pas tombée dans des zones forestières et n’a pas provoqué des incendies", affirme Patrick Marlière. 

Guillaume Jauseau, lui, précise qu'il est nécessaire "de débroussailler pour éviter qu'il y ait des petites végétations trop sèches qui vont participer à un feu de forêt plus intense". Par ailleurs, depuis plusieurs années, des techniques sont mises en place pour tenter de les contrôler. "Il y a plusieurs études scientifiques qui avaient tenté d’élaborer un plan pour placer des pics de fer pour conduire les orages à ces installations au lieu qu'ils atteignent la forêt ou des habitations", affirme-t-il. Néanmoins, ces techniques restent "peu élaborées et très hypothétiques". 

"Il faudra se montrer très vigilant à l'égard de la prochaine zone d’orage sec qui tombera sur des régions où la sécheresse est très présente", conclut Patrick Marlière.