Qu’est-ce que la stylométrie, la méthode d’analyse d’écriture utilisée dans l’affaire Grégory ?

C’est un cold case qui obsède depuis 1984. Au cœur du dossier du meurtre du petit Grégory Villemin, les lettres anonymes et les appels menaçants d’un mystérieux “corbeau” qui revendiquait l’assassinat du petit garçon. Ces écrits, désormais les rares éléments exploitables, ont été confiés à des experts pour en identifier l’auteur.

Depuis cette journée funeste d’octobre 1984, les missives ont été expertisées à plusieurs reprises. En 2021, un rapport de stylométrie, rédigé par la société suisse OrphAnalytics, a ravivé l’intérêt de la justice. Selon ses conclusions, le style d’écriture de certaines lettres serait “hautement similaire” à celui de Jacqueline Jacob, la grand-tante de Grégory, selon Le Parisien.

Une méthode d’analyse du style

La stylométrie consiste à étudier la manière dont chacun écrit : vocabulaire, tournures, ponctuation ou rythme des phrases. Comme une empreinte linguistique, elle cherche à identifier un auteur à partir de ses habitudes d’écriture. Cette méthode, utilisée depuis le XIXᵉ siècle pour authentifier les auteurs de textes anciens, est aujourd’hui renforcée par l’intelligence artificielle.

Grâce à des algorithmes, les experts comparent des milliers de séquences de mots ou de caractères afin de repérer des similarités. Dans le cas de l’affaire Grégory, ces comparaisons ont été menées entre des lettres anonymes et des écrits attribués à différents suspects. Résultat : un style récurrent aurait été retrouvé sur plusieurs documents clés.

“Pour pouvoir faire ce genre d’analyse, il faut avoir l’habitude de l’analyse de séquences, même si aujourd’hui nous disposons d’un logiciel qui nous sort la réponse que l’on attend en quelques secondes, quand on a bien posé la question. Sauf qu’évidemment, cela prend énormément de temps, justement, de bien poser la question afin qu’elle nous donne une réponse satisfaisante”, nous expliquait-il en 2022.

Stylométrie, graphologie : deux approches distinctes

Avant la stylométrie, les enquêteurs avaient déjà eu recours à la graphologie et à l’expertise en écriture. Si la stylométrie s’intéresse au style d’écriture et à la structure des textes, la graphologie judiciaire se concentre sur le tracé même des lettres : leur forme, leur pression, leur inclinaison.

L’experte graphologue judiciaire Christine Navarro a ainsi comparé plus de vingt lettres anonymes à des échantillons d’écriture de douze suspects. "Ma mission était de revoir un peu toutes les lettres anonymes réalisées par le corbeau, et de les comparer avec des courriers de divers scripteurs. En tout, on m’a donné 21 lettres anonymes, à comparer avec 12 scripteurs, voire plus. Et à moi de dire ou non si l’un d’eux pouvait avoir écrit un des courriers",  expliquait-elle à Planet en 2022. 

“On entre dans une description de l’écriture très fine, on compare des écritures avec un protocole de comparaisons rigoureuses, car il existe plus de 300 cartes graphiques !”. Son rapport de 235 pages, rendu en 2017, fait désormais également partie du dossier d’instruction.

À la suite de la mise en examen de Jacqueline Jacob, son avocat Stéphane Giuranna a indiqué vouloir faire appel "sur le fond". Il soutient par ailleurs que sa cliente ne devrait pas être poursuivie, les faits en question pouvant, selon lui, relever de la prescription.