Supermarchés : pourquoi le Nutri-score pourrait disparaître ?
C'est un rejet qui s'est joué à seulement trois voix près. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, les députés ont rejeté l'amendement visant à généraliser le Nutri-Score par 120 voix contre 117 rapporte Le Dauphiné. La proposition ne se contentait pas de rendre l'étiquetage obligatoire ; elle prévoyait une mesure forte pour assurer son application. En effet, la question d'une taxation des entreprises en cas de refus d'affichage cette jauge à calories était au centre du dispositif, avec une pénalité fixée à 5 % de leur chiffre d'affaires, dont les recettes auraient renfloué les caisses de l'Assurance maladie.
Le rejet de cette mesure acte donc un statu quo de la situation actuelle : l'affichage du Nutri-score reste facultatif en France, basé sur le volontariat des industriels. L'annonce de cette décision a dores et déjà été dénoncé par de nombreuses associations de consommateurs et professionnels de santé. Mais cela pourrait être pire. Rien n'interdit de penser que les marques qui avaient pris les devants en prévision d'une future obligation reviennent en arrière et retirent le désormais célèbre logo de leurs emballages...
Un blocage au nom du droit européen
Pourquoi le gouvernement s'est-il opposé à une mesure plébiscitée par 89 % des consommateurs français selon une enquête publiée en 2021 par Sante publique France ? L'argument principal, martelé par la ministre de la Santé Stéphanie Rist, est juridique. Selon l'exécutif, il existe une incompatibilité entre un Nutri-Score obligatoire au niveau national et le droit européen.
Le règlement européen INCO, qui encadre l'information des consommateurs, autorise les systèmes d'étiquetage complémentaires comme le Nutri-Score, mais à condition qu'ils restent volontaires pour ne pas entraver la libre circulation des marchandises au sein de l'Union précise le site Parlons Politique. Cet argument est toutefois contesté. Le professeur Serge Hercberg, père du Nutri-Score, rappelle, comme il l'a récemment fait dans un communiqué repris par Reporterre, qu'une dérogation est possible au nom de la "protection de la santé publique", un principe inscrit dans les traités européens paradoxalement.
Un statu quo, mais un débat loin d'être clos
Concrètement, les conséquences du rejet de cet amendement Nutri-Score sont directes pour le consommateur. Le logo restera un repère utile, mais parcellaire. Si la plupart des marques de distributeurs jouent le jeu, avec un taux d'engagement de 98 %, l'absence du Nutri-Score est surtout visible sur les produits de grandes marques internationales comme Coca-Cola, ou Ferrero, souvent moins bien notés, rappelait la députée écologiste Sabrina Sebaihi au Parlement.
Pour autant, la bataille n'est pas terminée. L'avenir du Nutri-Score en France et en Europe se jouera désormais à Bruxelles. La Commission européenne avait en effet annoncé dès 2020, rappelle La Croix, son intention de proposer un étiquetage nutritionnel harmonisé et obligatoire sur tout le continent. Le Nutri-Score y figure comme l'un des candidats les plus sérieux. Le combat pour sa généralisation est donc reporté, mais certainement pas abandonné.