Et si la France redevenait une monarchie ?IllustrationIstock
INTERVIEW. Un quart des pays de l'Union européenne sont des monarchies. C'est le cas chez nos voisins britanniques et espagnols. Et si la France redevenait un royaume ? Qui monterait sur le trône ? Quels seraient ses pouvoirs ? Eléments de réponse avec Nicolas Fontaine, rédacteur en chef d'Histoires royales.
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Quel est le point commun entre la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume Uni, l’Espagne et la Suède ? Tous ces pays sont dirigés par un monarque. En France, si la monarchie s’est effondrée en 1792, il existe encore des partisans de la royauté qui militent activement pour son retour. Il serait "une dizaine de milliers" en France, selon Nicolas Fontaine, rédacteur en chef d’Histoires royales.

Les royalistes se regroupent dans diverses associations, aussi nombreuses que divisées. Tous ont des profils très différents et sont d’obédiences politiques variées. Mais le milieu royaliste est majoritairement attaché aux valeurs de droite, conservatrices, voire nationalistes, comme c’est le cas, par exemple, pour l’Action française.

Pour les monarchistes, les rois incarnent l’arbitrage et l’unité. "Le souverain est porteur d’une Histoire millénaire, de l’Histoire d’une famille qui a construit la France. Il est l’héritier d’une gloire passée", explique Nicolas Fontaine. Pourtant, depuis 1974 et la candidature de Bertrand Renouvin avec La nouvelle action française (0,17% des voix), il n’y a pas eu de candidat monarchiste aux élections présidentielles.

Les Français ne semblent pas nostalgiques de l’Ancien Régime. D’après un sondage réalisé par BVA pour l’Alliance Royale en 2016, seuls 17% seraient favorables à ce que la fonction de chef de l’Etat soit occupée par un roi.

"La monarchie fait fantasmer certains Français"

"J’ai remarqué que les Français ressentent une certaine fierté à avoir coupé la tête de leur roi. Mais, surtout, les gens ne sont pas suffisamment instruits sur la monarchie. Ils se figurent une période très lointaine, avec un système de privilèges", détaille le rédacteur en chef d’Histoires royales. "Mais, en même temps, il y a aussi une forme de fantasme chez certains à propos de la monarchie…"

Dans un climat politique troublé, marqué par un important taux d’abstentionnisme lors des grands rendez-vous électoraux (28% d’abstention au second tour des présidentielles, 54% à celui des législatives en 2022), la monarchie pourrait séduire certains. Si la monarchie était réinstaurée, à quoi ressemblerait-elle ?

Absolue, constitutionnelle… Quel type de monarchie pour la France ?

La majorité des partisans de la royauté sont pour l’instauration d’une monarchie constitutionnelle sur le modèle de celles britannique et espagnole. "Le souverain est le chef d’état mais ses pouvoirs sont limités par la constitution. Il nomme un premier ministre et l’Assemblée ratifie tous ses choix."

"C’est le type de monarchie qui répond le mieux aux valeurs actuelles. Une autre forme de monarchie serait jugée antidémocratique. Ce sont d’ailleurs dans les pays que l’on considère comme les plus démocratiques que l’on retrouve des monarchies : avec la Suède et le Danemark", argumente le rédacteur en chef d’Histoires royales.

Si le roi n’est pas directement décisionnaire, puisque le pouvoir exécutif revient au premier ministre, un certain nombre de devoirs lui incombent. Il a notamment une fonction de représentation. "Il doit incarner l’état lors de grands sommets internationaux. Il doit aussi décerner les récompenses données par l’Etat."

"De par son héritage culturel, le roi représente aussi la mémoire vivante de son pays. Il est un symbole de pérennité, contrairement au président qui est soumis à un mandat. Elisabeth II a vu passer un grand nombre de premier ministre tout au long de son règne. Elle était fédératrice. En Belgique, alors que le pays a subi de graves crises politiques, le roi a eu un rôle de modérateur."

Si le retour d’un souverain à la tête de l’Etat semblerait apporter une forme de stabilité, il ne faut pas oublier que d’importantes scissions traversent le milieu royaliste français. Et, que les souverains d’Europe se retrouvent souvent au cœur de graves scandales

Quel roi et à quel prix ?

Aucun consensus n’a été trouvé autour d’un seul et même candidat au trône au sein des associations royalistes. Trois courants s’affrontent : la branche légitimiste, celle orléaniste, mais aussi celle impériale.

Les deux courants les plus représentés sont ceux légitimiste et orléaniste. Pour le premier, c’est l’héritier de la lignée des Bourbons, Luis-Alfonso de Bourbon, dit "Louis XX", qui devrait reprendre le pouvoir. Pour le second, c’est le Comte de Paris qui devrait devenir roi : Jean d’Orléans, dit "Jean IV".

Lequel des deux rois est le plus plébiscité ? "C’est difficile à dire. Ça dépend de qui a le vent en poupe auprès des médias. Thierry Ardisson est royaliste et soutien la branche des Bourbons, donc on a plus entendu parler de Luis Alfonso pendant un temps. Mais les courants plus modérés suivent la branche orléaniste."

Par ailleurs la question d’une potentielle vie de cour des monarques est au cœur de toutes les critiques. La famille royale d’Espagne, notamment, est connue pour ses excès et son faste. Réinstaller un roi sur le trône de France nécessiterait d’entretenir sa famille. Or, au Royaume-Uni, le "budget de fonctionnement" dévolu à la maison royale s’élève à 80 millions d’euros par an. "Au Pays-Bas, le roi touche un salaire de 80 000 euros par mois. Mais c’est le plus impressionnant. En Espagne, le roi perçoit plutôt 15 000 à 20 000 euros par mois."

Pour Nicolas Fontaine, ces questions de financement sont comparables à celles liées au train de vie de nos dirigeants politiques. "Ces dernières années, il y a de grandes réformes mises en place dans un souci de transparence au sein des monarchies, par exemple dans le Grand-Duché du Luxembourg. On sait au centime près à quoi sert une dépense. Alors que ce qui se passe aujourd’hui à l’Élysées peut être flou. Et puis n’oublions pas qu’il y a aussi une forme de cour autour du président…"

On pourrait arguer toutefois que face à une opposition ou des scandales, un président doit quitter son poste, là où la personne d’un roi est inviolable juridiquement et inamovible.