Corse, Bretagne... Le gouvernement aurait-il raison d'épargner certaines régions, moins touchées par le virus ?Istock
Certaines régions souffrent moins de l'épidémie que d'autres. En cas de reconfinement, le gouvernement devrait-il les épargner ?
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"Le couvre-feu à 18h a une efficacité, aujourd'hui, relative", annonçait sans ambages le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à l'issue du Conseil de défense sanitaire du 27 janvier 2021. Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre poursuit : si pertinents puissent-être les choix de l'exécutif, la mesure n'est pas assez performante pour freiner le coronavirus autant que nécessaire. Dès lors, une réflexion devient nécessaire. Faut-il reconfiner le pays ? D'après France Info, qui se base sur les déclarations du porte-parole, le président de la République aurait d'ailleurs demandé à Jean Castex de "mener une consultation approfondie sur les différents scénarios à suivre dans les prochains jours".

Et Gabriel Attal d'évoquer la possibilité d'un "confinement très serré". "Nous suivons heure par heure la situation épidémique", a-t-il encore affirmé, promettant que le "quoi qu'il en coûte" demeurait la ligne de l'exécutif "tant que la crise sévit".

Troisième reconfinement : faut-il préserver les régions et les départements les moins touchés par le virus ?

Force est de constater, pourtant, que la réalité de la situation sanitaire varie grandement d'un territoire à l'autre. Planet s'est déjà attardé sur cet état de fait, que constate également Dominique Bussereau, le président du conseil départemental de Charente-Maritime. Comme d'autres, il plaidait récemment pour un reconfinement "à la carte", localisé. "Je pense qu'un troisième confinement national, long, entraînerait une grande lassitude chez nos concitoyens", déclare-t-il aux micros de France Bleu La Rochelle. Il dit d'ailleurs penser à "tous ceux dont les activités économiques pourraient être remises en cause, les étudiants dont la situation est d'une très grande fragilité aussi".

"Je pense que les choses sont différentes selon les départements. En Charente-Maritime hier soir [le lundi 25 janvier, ndlr] le taux d'incidence était de 130; le double pour nos voisins des Deux-Sèvres. On peut avoir des mesures département par département comme ce fut le cas pour le couvre-feu, au départ", propose-t-il. Une mesure qui pourrait peut-être rendre la mise sous cloche plus acceptable… Mais que ne prône pas Stéphane Gayet, médecin des hôpitaux au CHU de Strasbourg. Infectiologue, hygiéniste, il travaille notamment sur les risques associés aux soins dans l'Unité d'éthique clinique. Explications.

Confinement national, local… Que devrait faire le gouvernement ?

"Le confinement n'est plus adapté à la situation française", attaque d'entrée de jeu le médecin des hôpitaux, dont l'analyse tranche avec celles de certains de ses confrères. "Je ne suis pas favorable à ce type de mesure, quelle que soit l'échelle à laquelle elle est déclinée", assène-t-il ensuite.

Si Stéphane Gayet s'oppose au reconfinement du pays - ou des régions ! - c'est parce qu'il estime que la mesure serait trop violente et, surtout, peu efficace. "Le premier confinement, qui a duré du 17 mars au 11 mai  2020 s'est avéré efficace. On le voit clairement à l'évolution de la courbe épidémique. Il faut prêter attention aux bons indicateurs, que sont les nombres quotidiens de nouvelles hospitalisations pour cause de coronavirus Covid-19 ainsi que ceux d'administration en réanimation à la suite d'une contamination à la covid. Le deuxième confinement, en revanche, n'a pas été efficace", précise l'infectiologue.

Dès lors, selon lui, il n'y a pas lieu d'épargner les départements les moins malmenés puisqu'il ne devrait de toute façon pas être question de reconfinement. "Bien sûr, un confinement strict, c'est à dire différent du second, serait théoriquement efficace. Mais cela ne résout rien, au contraire ! Dès le début du déconfinement, l'épidémie reprend. Cela ne peut pas être une solution", juge le praticien hospitalier, pour qui de telles mesures ne font que déplacer le problème dans le temps.

Cependant, le médecin n'estime pas qu'il soit impossible d'influer sur la situation sanitaire : les différences entre les départements l'illustrent bien et il juge que la mise en place du premier couvre-feu a montré des résultats. "C'est en partie lié à des questions de politique locale", souligne-t-il, pour expliquer les divergences épidémiologiques entre les municipalités françaises. "Certains élus s'impliquent particulièrement et s'assurent que tout est fait au mieux. Cependant, cela ne peut pas tout arranger : il y a d'autres facteurs à prendre en compte, comme la proximité d'une grande gare ou d'un aéroport, l'attractivité économique de la ville, son caractère rural ou urbain…", poursuit-il.

Coronavirus : enfin atteindre l'immunité ?

Pour Stéphane Gayet, la solution est donc évidente : mettre en place les conditions de l'immunité collective. "Il ne faut pas croire que l'on pourra éradiquer le virus ou le chasser de France. Les virus s'installent toujours en profondeur dans le corps humain. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne ; c'est une réflexion d'énarque. L'épidémie ne pourra cesser que par l'immunité", explique le scientifique.

"Il n'y a que deux façons d'atteindre l'immunité collective : soit par vaccination, ce qui en l'état actuel des choses paraît peu probable, soit par infection", juge-t-il encore, évoquant notamment les "problèmes logistiques" pour expliquer pourquoi l'immunité par vaccination semble complexe à atteindre. Il précise son propos : "Je préconise donc une circulation douce du virus, ce qui signifie qu'elle doit être encadrée. Il faut que les sujets qui ne sont pas à risques, les jeunes pour l'essentiel, s'immunisent. Pour cela, le virus doit circuler assez largement chez eux, mais il faut ensuite éviter ou sécuriser tous les contacts qu'ils pourraient avoir avec des individus à risque".

Des propositions qui tranchent assez radicalement avec celles d'autres praticiens, note 20 minutes. Le quotidien gratuit, qui donne notamment la parole aux épidémiologistes Antoine Flahault et Michaël Rochoy, prône au contraire une mise en place rapide du confinement. 

"Plus on confine tôt et vite, moins le confinement est coûteux, en temps, en social, en économie, en morts. La France attend toujours le dernier moment pour confiner, ce qui crée des confinements très longs comme le premier, ou peu efficaces pour vraiment stopper l'épidémie, tel le second", déplore en effet Michaël Rochoy. Et Antoine Flahault de proposer un modèle plus dur, inspiré des politiques asiatiques : "c'est peut-être le moment de reprendre la main de façon coordonnée sur la pandémie dans le continent et de ne plus laisser le virus y circuler à un tel niveau d'intensité", estime-t-il.