Aides sociales : fraude à la carte Vitale, à l'assurance chômage… les mesures envisagées pour resserrer la vis
Dans un entretien accordé au Parisien samedi 2 août 2025, Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles de France, a évoqué une partie des mesures qui figureront le futur projet de loi de lutte contre la fraude aux aides sociales, qui sera soumis à l'Assemblée nationale à l'automne prochain. Alors qu'il est demandé à tous les Français "des efforts" pour atteindre l'objectif d'économiser plus de 43 milliards d'euros en 2026, le coût pour l'Etat de cette fraude est estimé (estimation basse pour certains observateurs) à 13 milliards d'euros pas an.
"La fraude sociale est une trahison"
Qui n'a pas déjà entendu cette phrase ces 40 dernières années : "la fraude est un sport national en France ?" Si elle prêtait à sourire car représentatrice des petits travers de nos compatriotes et d'un certain laxisme de nos administrations, ce plus le cas. Surtout, ça n'est plus possible, la situation des finances publiques étant catastrophique avec une dette accumulée de plus de 3 000 milliards d'euros. Aussi, Catherine Vautrin n'a pas hésité à utiliser ces mots très forts devant nos confrères : "La fraude sociale est une trahison."
Une fraude sociale difficile à évaluer
C'est le Haut-Conseil des finances publiques qui a calculé cette somme. Comme évoqué en introduction, le montant annuel de la fraude sociale serait beaucoup plus élevé selon certains spécialistes et observateurs. Le très controversé Charles Prats, ancien magistrat qui a fait de la lutte contre la fraude son cheval de bataille, estime que le nombre de cartes Vitale en circulation serait de 5 millions supérieur à la population française ! Dans un livre intitulé le Cartel des Fraudes, il estimait en 2020 leur montant à 30 milliards d'euros par an. Puis 40 milliards, puis 50 milliards. S'étant rapproché politiquement de l'extrême droite, il est contesté par de nombreux médias et économistes pour qui ces chiffres sont farfelus et visent à pointer du doigt les Français d'origine étrangère. Mais en réalité, personne n'est vraiment d'accord sur le montant de la fraude sociale. Sera-t-il plus facile à établir avec les mesures voulues par Catherine Vautrin ?
"On ne récupérera pas 13 milliards d’euros en claquant des doigts"
En effet, le quotidien francilien rappelle qu'avec cette loi, le Premier ministre François Bayrou souhaite récupérer 2,3 milliards d'euros en 2026. Catherine Vautrin va dans ce sens : "On ne récupérera pas 13 milliards d'euros en claquant des doigts." Mais ce n'est pas une raison pour n pas passer à l'action : "Aujourd’hui, nous avons la capacité à détecter et empêcher que la fraude ne se produise, mais il nous faut aussi améliorer notre capacité à récupérer l’argent fraudé."
La lutte contre la fraude fera-t-elle l'unanimité à l'Assemblée ?
Le Parisien pose la question qui fâche : "Avez-vous des garanties que ce texte sera adopté ?" Car la ministre sait qu'en l'absence de majorité, rien n'est gagné. Mais elle reste optimiste : "Ma méthode, c’est le dialogue et le compromis, je l’ai démontré avec les propositions de loi sur les soins palliatifs et sur la fin de vie. Notre objectif, c’est que le projet de loi sur la fraude soit débattu au Parlement à la fin du deuxième semestre, entre les textes budgétaires, en commençant par l’Assemblée nationale. C’est ce que nous ont demandé plusieurs groupes politiques."
Prochaine étape : la lutte contre la fraude fiscale, conclut-elle. En attendant, voici les principales mesures qui figureront dans cette proposition de loi, à découvrir dans notre diaporama ci-dessous.
Un accès facilité au patrimoine des fraudeurs
Catherine Vautrin : "Le projet de loi que nous sommes en train de préparer vise à faciliter la communication entre les différentes caisses pour repérer ces multi-fraudeurs. Parallèlement, nous souhaitons que les caisses de sécurité sociale aient accès à l’ensemble du patrimoine du bénéficiaire, par exemple ses propriétés, données bancaires ou assurance vie, afin de s’assurer qu’il n’a pas des revenus non déclarés."
Source : Le Parisien
Débiter les comptes des fraudeurs à l'assurance chômage
Catherine Vautrin : "Le texte vise par ailleurs à améliorer les capacités de recouvrement sur les allocations chômage. En cas de fraude avérée, nous pourrons non seulement demander le remboursement de l’intégralité des sommes indûment perçues, ce qui n’était pas possible aujourd’hui pour le dispositif d’aide au retour à l’emploi, par exemple. Si cela ne suffit pas, nous pourrons également récupérer l’argent dû en débitant le compte bancaire du fraudeur."
"Nous allons aussi mettre fin à certaines incohérences, en demandant à ce que l’assurance chômage soit uniquement versée sur un compte bancaire situé en France ou dans l’Union européenne. C’est un peu compliqué de chercher un travail en France quand vous n’y vivez pas !"
Source : Le Parisien
Mieux contrôler le transport sanitaire
Le transport sanitaire des malades (pour des rendez-vous médicaux, de ou vers l'hôpital) est dans le viseur du gouvernement. Il coûterait, 6,7 milliards par an à la Sécurité sociale et aurait augmenté de 30 % en quelques années.
Catherine Vautrin : "Nous allons obliger les transporteurs à se doter d’un dispositif de géolocalisation et d’un système électronique de facturation intégrée, afin de garantir l’exactitude des kilomètres facturés. C’est un élément de transparence nécessaire."
Source : Le Parisien
Problème : beaucoup de ces transporteurs (taxis, ambulances) sont déjà équipés de ces dispositifs...
Faire la chasse aux fausses formations
Même si le phénomène, de très grande ampleur, a pris fin avec le démarchage téléphonique, le gouvernement veut continuer à faire la chasse aux faux organismes de formation. Catherine Vautrin : "Nous voulons également renforcer les contrôles sur les organismes qui dispensent des formations financées par l’argent public. Grâce au texte, les agents de contrôle pourront enquêter de manière anonyme pour détecter les formations professionnelles frauduleuses, celles qui ne donnent pas réellement accès à une formation."
Source : Le Parisien
Lutter contre le travail au noir
Concernant les entreprises soupçonnés d'employer des travailleurs non-déclarés et qui ne payent donc pas de charges sociales, Catherine Vautrin déclare : "Le texte prévoit de bloquer leurs comptes bancaires pendant la période de contrôle pour éviter qu’elles organisent leur insolvabilité dès qu’elles réalisent qu’une enquête est en cours."
Source : Le Parisien
Faire payer une énorme CSG aux dealers
Catherine Vautrin : "De la même manière que le ministère de l’Économie impose les trafiquants sur les quantités de drogue saisies, nous allons nous aussi les taxer davantage. Le texte permettra de majorer la CSG (contribution sociale généralisée) perçue au titre d’activité illicite avec un taux à 45 %. Par exemple, aujourd’hui, dans le cas d’un trafiquant qui fait l’objet d’une procédure au cours de laquelle on a trouvé des revenus illicites d’une valeur de 100 000 euros, la Sécurité sociale ne peut récupérer que 9 200 euros au titre de la CSG. Avec un taux à 45 %, on récupérera 45 000 euros."
Et pour ceux qui perçoivent à la fois des prestations sociales : "nous interdirons le cumul entre revenus illicites et prestations de chômage. C’est quand même du bon sens. L’argent devra être remboursé."
Source : Le Parisien
Mettre fin aux faux arrêts maladie
Catherine Vautrin : "Nous allons également mettre un terme aux arrêts de travail prescrits de manière abusive. Il ne s’agit pas d’empêcher les gens qui sont malades d’être arrêtés. Il s’agit juste de mettre fin aux arrêts de travail non justifiés et de permettre à ceux qui en ont médicalement besoin d’en bénéficier afin d’assurer la soutenabilité de notre système de santé. Nous étudions aussi la proposition de la Caisse nationale d’assurance maladie d’instaurer une pénalité pour ceux qui détournent le système et le fragilisent."