Réforme des retraites : pourquoi vos cotisations pourraient bientôt augmenter
La semaine s'annonce cruciale pour la réforme des retraites. Le projet du gouvernement, largement décrié, entre dans son ultime phase de concertations, autour, cette fois, de l’épineuse question de l’âge de départ. La volonté assumée de l'exécutif : le faire reculer, de 62 ans actuellement, à 65 ans. Une mesure indispensable, tonnent les ministres d’Emmanuel Macron, pour préserver à terme l’équilibre du système.
Mais une mesure vivement critiquée par les syndicats. Pour Laurent Berger de la CFDT, “Il n’y a pas besoin de la prendre”, a expliqué le leader syndical sur RTL lundi 28 novembre. Il a même alerté sur le risque d’un nouveau mouvement social :
Est-ce que le gouvernement a vraiment envie de mettre le feu au pays et est-ce qu’il a envie de faire une réforme profondément injuste pour les travailleurs les plus modestes ? - Laurent Berger (CFDT) sur RTL
Retraite : les grands “perdants” de la réforme
Parmi les arguments du gouvernement pour “faire passer” la réforme, revient sans cesse l’allongement de l'espérance de vie, qui permettrait donc, puisque l’on vit plus longtemps, de travailler plus longtemps.
Mais dans les faits, cette espérance est beaucoup moins longue chez les personnes les plus modestes, souligne Le Monde. “Elle était, par exemple, de 15,8 ans pour les 5 % d’hommes présentant le niveau de vie le plus faible et de 21,8 ans pour les 5 % les plus favorisés, sur la période 2012-2016” avance le journal.
La réforme, qui pourrait être adoptée dès janvier et mise en œuvre à l’été 2023, devrait donc créer des grands perdants.
Surtout que le projet de loi risque également de coûter cher, littéralement, à de nombreux contribuables. En cause : comme en 2010, avec le recul à 62 ans, la réforme risque d’avoir des effets anti redistributifs, et d'accélérer les inégalités. Elle devrait aussi faire augmenter les cotisations retraites, versées par des millions de Français. Découvrez dans notre diaporama comment, et ce que vous allez vraiment payer en plus pour partir plus tard.
Les conséquences de la réforme
Dans Capital, Philippe Delerive directeur gestion du risque et assurances du groupe Exponens, cabinet d’audit, d’expertise comptable et de conseil, estime que la réforme aura de lourdes conséquences sur ::
- Les arrêts de travail
- L’invalidité
- Le capital décès
Les arrêts de travail plus nombreux
C’est le constat de Philippe Delerive : plus les travailleurs avancent en âge, plus les arrêts de travail sont nombreux, et plus ils sont longs.
Enfin, avec l’ancienneté, votre salaire progresse et donc les indemnisations aussi. Ce constat est plus exponentiel que pentu, ce qui signifie que plus vous allez loin dans le relèvement de l’âge, plus cela s’aggrave. - Philippe Delerive directeur gestion du risque et assurances du groupe Exponens à Capital
La facture sera donc salée pour les assureurs.
Le problème de l’invalidité
“Lorsque l’âge de départ à la retraite a été relevé de 60 à 62 ans, le coût a augmenté de 25% sur la rente d’invalidité” , rappelle Philippe Delerive. Un effet similaire est à prévoir si l’âge de départ est reculé à 65 ans, et si l’âge de l’invalidité est repoussé avec lui.
Si jamais il était repoussé à 64 ans, le coût supplémentaire serait de 20% pour les nouvelles invalidités, auquel s’ajouteraient 20% à étaler sur quelques années pour mettre à niveau les provisions en cours. - Philippe Delerive directeur gestion du risque et assurances du groupe Exponens
Le capital décès
“La fréquence des décès augmente avec l’âge et le salaire aussi, donc, mécaniquement, le capital décès sera aussi en croissance. Entre la fréquence et le coût, la hausse atteindrait également 20%”, prévient l’expert en gestion du risque.
Les cotisations prévoyance arrêt de travail vont grimper… jusqu’où ?
Ces conséquences auront un prix: “on estime le coût supplémentaire à 20% sur les cotisations prévoyance arrêt de travail”, note l’expert, qui avance que les assureurs prévoient déjà le prélèvement de celles-ci.
“L’un dans l’autre, on peut estimer que les cotisations prévoyance devraient augmenter de l’ordre de 12%”, précise Philippe Delerive au magazine Capital.
Pour une pension de 2500 bruts, c’est un surcoût de 3 euros pour le salarié.
Les cotisations liées à la Sécurité sociale vont (aussi) augmenter pour tout le monde
Et ça n’est pas tout. En réalité, la réforme pourrait faire grimper davantage la facture pour les Français dans tous les secteurs. Une telle réforme pourrait coûter, selon Philippe Delerive, 5 milliards d’euros supplémentaires à la Sécu tous les ans.
“Là aussi, il y aurait des cotisations en plus. (...) La leçon à en tirer, c’est que toutes les branches de la protection sociale sont concernées lorsque vous déplacez le curseur entre la vie active et la retraite”, précise le spécialiste chez Capital.