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Assurance-vie : un outil pour contourner la succession classique ?Istock
INTERVIEW. Placement préféré des Français, l'assurance-vie est aussi un outil de transmission. Peut-elle pour autant contourner les règles classiques de la succession ? Décryptage avec Jérôme Leprovaux, juriste et spécialiste du patrimoine et des successions.

Depuis plus de dix ans, l’assurance-vie est le placement préféré des Français. Avec 2 020 milliards d'euros d'encours à fin janvier 2025, selon les données de France Assureur, l’assurance-vie ne séduit pas uniquement pour sa souplesse ou sa rentabilité, mais aussi, et surtout, pour son rôle très avantageux dans la transmission du patrimoine

Derrière son image d’outil d’épargne se cache un puissant levier patrimonial, parfois perçu comme une façon de contourner la succession classique. Mais dans les faits, est-ce vraiment le cas ? Nous avons posé la question à Jérôme Leprovaux, juriste spécialiste du patrimoine et des successions.

Une transmission "hors succession", mais pas hors règles

L’assurance-vie c’est avant tout un produit d’épargne qui ne fait pas partie de la succession. “C’est ce qu’on appelle un outil hors succession : les capitaux transmis au(x) bénéficiaire(s) ne sont pas inclus dans l’actif successoral”, rappelle Jérôme Leprovaux. Autrement dit, le capital n’est pas réparti selon les règles classiques du Code civil. Le souscripteur peut donc librement désigner un bénéficiaire, qu’il s’agisse d’un proche, d’un enfant favorisé, d’un voisin… ou d’un tiers.

Mais avec ce placement, peut-on priver un héritier réservataire, comme un enfant, de sa part de l'héritage ? Techniquement, oui, mais dans certaines limites. “Si les sommes versées sur le contrat sont jugées manifestement exagérées, les juges peuvent décider de les réintégrer à la succession”, prévient Jérôme Leprovaux. Le critère d’exagération dépend de la capacité financière du souscripteur, de son âge, de ses charges et du moment des versements.

Un levier d’optimisation fiscal

Il faut donc faire la part des choses entre ce que permet l’assurance-vie et ce que la loi encadre. “L’assurance-vie ne doit pas être vue comme une échappatoire au droit des successions, mais comme un outil d’optimisation”, tempère l’expert. Grâce à son régime fiscal avantageux, notamment l’abattement de 152 500 euros par bénéficiaire pour les primes versées avant 70 ans, elle permet de transmettre un capital significatif sans subir des droits de succession.

Elle est également très utile dans des contextes familiaux particuliers, comme les familles recomposées ou les couples non mariés. En permettant de favoriser un concubin ou un enfant, elle évite certains conflits et déséquilibres que la succession classique ne permet pas toujours de corriger facilement. 

L'assurance-vie : un dispositif dont il ne faut pas abuser 

Peut-on vraiment transmettre son patrimoine à sa façon grâce à l’assurance-vie ? “Oui, mais avec intelligence”, résume Jérôme Leprovaux. Car si elle offre une marge de manœuvre appréciable, elle ne dispense pas d’un minimum de prudence. Un contrat mal rédigé, des primes surévaluées ou une volonté trop marquée d’exclure certains héritiers peuvent vite conduire à un contentieux.

Pour éviter les mauvaises surprises, l’accompagnement dans vos démarche par un notaire ou un spécialiste du patrimoine reste vivement conseillé.