"Le même mode opératoire" : 34 ans après, le corps d’une femme sera exhumé pour trouver d’éventuelles traces ADN de Dominique Pelicot
Une exhumation qui relance un dossier vieux de 34 ans. Le 4 décembre 1991, Sophie Narme, agente immobilière de 23 ans, ne donne plus signe de vie après une visite d’appartement dans le XIXᵉ arrondissement de Paris. Son corps, découvert quelques heures plus tard par son employeur, présente des signes d’une extrême violence : la jeune femme est retrouvée à demi dévêtue, rouée de coups, poignardée, étranglée avec la ceinture de sa jupe et violée.
Trente-quatre ans après les faits, la cour d’appel de Versailles a autorisé, le 7 novembre dernier, l’exhumation de son corps afin de réaliser de nouveaux prélèvements ADN. Une décision rare dans un dossier où le premier refus d’avril dernier avait laissé penser que toutes les pistes étaient désormais épuisées. Cette mesure intervient alors qu’un nouveau suspect est apparu : Dominique Pelicot, mis en examen en 2022.
Un crime jamais élucidé
Le 12 septembre 2020, près de trente ans après le meurtre de Sophie Narme, Dominique Pelicot est interpellé pour avoir filmé sous les jupes de clientes dans un supermarché. Cette arrestation marque le point de départ de l’affaire des “viols de Mazan”, dans laquelle il sera condamné fin 2024 par la cour départementale du Vaucluse pour avoir drogué et contraint sa compagne Gisèle Pelicot à subir des viols commis par une cinquantaine d’hommes.
Son ADN est alors prélevé, conformément à la procédure, et comparé aux dossiers non élucidés. Les enquêteurs découvrent qu’il correspond celui prelevé lors d’une tentative de viol en 1999 sur Estelle B., une autre agente immobilière, en Seine-et-Marne. Confondu par son ADN, Dominique Pelicot avait reconnu partiellement les faits.
Des similitudes troublantes
Mais entre cette affaire et celle de Sophie Narme, les similitudes interpellent les enquêteurs. Pour François Daoust, ancien directeur de l’IRCGN, le rapprochement des deux dossiers s’explique par leur proximité technique. “Le mode opératoire est le même” , confirme-t-il sur BFMTV. Comme pour Sophie Narme, la victime de 1999 a été piégée lors d’une visite immobilière et agressée dans un appartement vide. Dans les deux cas, les victimes ont été “ligotées”, présentaient des “coups de poing”, et des éléments communs ont été retrouvés sur les lieux des agressions : des liens, une arme blanche et de l’éther, comme le détaille Florence Rault, avocate de la famille de Sophie Narme, auprès de BFMTV.
En 2022, le suspect est mis en examen pour le meurtre de Sophie Narme. Son avocate, Béatrice Zavarro, demande l’exhumation du corps afin de démontrer que l’ADN de son client n’y figure pas. Elle espère ainsi “écarter la responsabilité” de Dominique Pelicot, assurant que ce dernier “nie toute implication”.
Des traces ADN perdues
Mais le dossier initial porte des zones d’ombre majeures. Sur BFMTV, Florence Rault dénonce de “graves dysfonctionnements” : “On a le sperme du violeur sur le corps de Sophie […] Le prélèvement ? Disparu.” Les écouvillons prélevés lors de l’autopsie ont été envoyés au laboratoire, mais “entre les deux, ils se sont perdus”.
L’exhumation pourrait permettre de retrouver des traces résiduelles, bien que les spécialistes appellent à la prudence. “Après trente-cinq ans, l’ADN peut être dégradé et on peut ne pas trouver”, avertit François Daoust.