Réforme des retraites : tous ces inquiétants détails que l’on vous cacheIllustrationIstock
Des imprécisions et omissions jugées à haut risque. En passant au crible les préconisations du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, l'Institut de la protection sociale a pointé plusieurs dangers, ce mardi 17 septembre. Les voici.
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Une analyse déconcertante ! Parmi les 9 chapitres du rapport Delevoye décortiqués page par page, l’Institut de la protection sociale (IPS) a listé différents points alarmants. Si le groupe de réflexion composé d’experts financiers, juridiques et fiscaux se réjouit de certaines propositions, comme l’acquisition d’un minimum de droits pour les indépendants, l’harmonisation de la pension de réversion, ou bien un minimum de retraite fixé à 85% pour une carrière complète, il alerte sur plusieurs préconisations jugées risquées, rapporte Capital.

Cotisations, rendement, majoration pour enfants… L'évaluation du rapport Delevoye nommée "Solidarité, gouvernance, financement : l’inquiétant visage du futur système des retraites" met ainsi l’accent sur des imprécisions ou omissions et sur les difficultés techniques de la bascule entre les deux régimes. En voici quelques-unes.

Réforme des retraites : le régime universel s’éloigne des standards mondiaux

Les standards internationaux sont tous dotés de 3 piliers (les régimes de base et complémentaires et les dispositifs supplémentaires). En établissant un régime de retraite universel la France ferait donc exception, précise Le Figaro.

Ce qui n’est pas forcément bon signe, selon IPS. "Si ça existe à l’étranger, c’est qu’il y a une raison de fond. Cela correspond à des cycles de prospérité qui ne sont pas les mêmes entre individus. Un salarié n’a pas les mêmes besoins qu’un indépendant qui achète d’abord son entreprise ou fonds de commerce, puis épargne pour sa retraite", note ainsi Bruno Chrétien, président de l’IPS.

Par ailleurs, les détails de certains dispositifs dissimuleraient des données importantes.

Réforme des retraites : un rendement plus faible qu’annoncé

Combien vos cotisations vont-elles vous rapporter à la retraite ? Si le rapport du haut-commissaire promet un taux de rendement de 5,5% (soit 5,5 euros de retraite par an pour une cotisation de 100 euros), la réalité est toute autre. En effet, d’après les calculs du think tank, le taux réel s’élève seulement à 4,95%.

Comment expliquer cette différence ? La manière dont sont décomposées les cotisations peut y aider. En effet, si l’on regarde dans le détail, sur les 28,12% de cotisations proposés dans le rapport, seulement 25,31% ouvrent des droits à la retraite. Les 2,81 % restants représentent des cotisations dites déplafonnées. Traduction ? Elles ne vous permettent pas de générer de nouveaux droits pour votre retraite.

Le rapport cite l’exemple de David, 62 ans, salarié dans une société pendant 43 ans, payé 2281,80 euros brut mensuel durant sa carrière. Il cotise ainsi 577,50 par mois entre la part salariale et la part patronale (avec un taux de cotisation à 25,31%). Cela lui permet alors d’obtenir 693 points de retraite par an, soit une retraite de 1 265 euros net par mois. "Ce calcul est juste mais il omet d’indiquer que les cotisations payées seront plus élevées et donc que le rendement réel n’est pas de 5,5% mais de 4,95%", atteste Bruno Chrétien.

En effet, selon le réseau d’experts, si l’on prend le taux de cotisations réellement payé (28,12%) ce n’est pas 577,50 euros mensuels qu’il faudra payer mais 641,64 euros. “Ce système est présenté comme simple et lisible mais les exemples cachent des détails qui nous inquiètent un peu.Cela sent l’enfumage”, ironise le président de l’IPS.

Réforme des retraites : des cotisations plus lourdes

Les salariés seront pénalisés. Dans sa présentation, Jean-Paul Delevoye assure que le taux de cotisation de 28% était similaire au taux actuel des salariés du privé. Or, similaire ne signifie pas identique. “Il y aura un petit écart qui a son importance”, note Bruno Chrétien. D’après les simulations de l’Institut de protection sociale, les salariés du privé cotisent actuellement à hauteur de 27,77%, pour les revenus inférieurs à 40 000 euros, puis à 26,94% pour les salaires entre 40 000 et 320 000 euros. Avec le régime universel, le taux des cotisations salariales et patronales s’élèvera à 28,12% jusqu’à 120 000 euros de revenu.

De ce fait, un salarié percevant un revenu annuel de 30 000 euros paiera 8 436 euros de cotisation par an contre 8 331 euros aujourd’hui. Soit un écart de 105 euros. Quant aux salariés gagnant 120 000 euros par an, ils devront cotiser 956 euros de plus.

Réforme des retraites : la pension de réversion repoussée de 7 ans

Des droits ouverts à compter de 62 ans seulement. C’est ce que prévoit le rapport Delevoye tant contesté. Cela signifie donc que l’âge de liquidation de la pension de réversion sera reporté de 7 ans pour les salariés du secteur privé. A l’heure actuelle, elle intervient en effet à compter de 55 ans dans le régime de base et le régime complémentaire Agirc-Arrco. Elle peut d’ailleurs être anticipée dans le régime complémentaire, dans le cas où le conjoint survivant est invalide ou bien s’il a 2 enfants à charge.

La prise en charge des veufs et veuves âgés entre 55 et 62 ans n’a pour le moment pas été précisé dans le nouveau système de retraite universel.

En revanche, pour les divorces, la réforme tend à simplifier les choses. Les droits de l’ex-conjoint à une pension de réversion seront en effet réglés au moment du divorce, via une augmentation de la prestation compensatoire. Cela afin d’éviter le partage de la réversion en cas de remariage, entre les différentes épouses. L’évaluation de cette pension reste toutefois, ici aussi, inconnue.

Réforme des retraites : certaines familles de 3 enfants seront perdantes

Dans le système actuel, la naissance d’enfants donne lieu à des majorations. Le système de retraite prévoit en effet l’attribution de trimestres pour la naissance et l’éducation. S’y ajoute une majoration de 10% de la pension pour les familles de trois enfants. Le haut-commissaire à la réforme préconise qu’une majoration de 5% soit accordée dès la naissance du premier enfant. Ces 5% sont en revanche à répartir entre les deux membres du couple ou donnés uniquement à l’un des deux.

“Cette mesure est globalement plus favorable que ce qui existe aujourd’hui”, se réjouit Bruno Chrétien. Capital cite l’exemple d’un couple ayant un enfant et ou chaque parent gagne 24 000 euros par an. Grâce à cette majoration, la retraite annuelle d’un des membres du couple pourra augmenter de 1 200 euros par an.

Toutefois, cela n’est pas favorable à tous, avoue l’IPS : “Les seuls perdants sont les couples qui ont trois enfants et ont le même niveau de revenu.” En effet, si leur salaire annuel est de 24 000 euros, ils perdront 1 200 euros par an par rapport à aujourd’hui.