Restos du Cœur : que leur reproche la Cour des Comptes ?

En juin 2025, la Cour des Comptes a allumé un contre-feu critique à l’encontre des Restos du Cœur, pointant un « alarmisme » jugé excessif dans leur appel aux dons de septembre 2023. Pour l’institution, l’association aurait dû davantage puiser dans ses réserves plutôt que de s’alerter publiquement et mobiliser générosité citoyenne et aide publique.
En 2023, sonnette d’alarme précipitée ?
À la rentrée 2023, face à l’explosion des coûts (inflation, hausse des denrées, surtensions logistiques) et à l’arrivée massive de nouveaux bénéficiaires, les Restos du Cœur avaient lancé un signal d’alerte : « nos caisses sont dans le rouge », avait averti leur président Patrice Douret. Objectif : collecter suffisamment pour assurer trois années de fonctionnement sans craindre un déficit de 250 M €. Le message a été entendu : l’État a débloqué des subsides, le public a répondu présent. Résultat : les réserves sont restées à un niveau jugé confortable par la Cour des Comptes, équivalant à six mois de dépenses.
Mais pour la juridiction financière, ces prévisions auraient été calibrées « excessivement prudentes ». L’appel lancé n’était donc pas pleinement justifié. Aurait-on pu éviter de mobiliser le public pour ce coup de semonce ?
Réserves : une solution à portée de main
L’un des reproches clés de la Cour : l’association est passée trop vite à la sollicitation externe. Les gestionnaires des Restos disposaient pourtant d’un « matelas » d’argent conçu pour amortir les chocs (les fameuses « réserves de précaution »). Selon l’institution, celles-ci auraient pu absorber « une partie des aléas économiques et sociaux » sans alarmer les donateurs et l’État. Dès lors, certains jugent l’appel aux Français trop proactif, comme si la mécanique interne de l’association n’avait pas été suffisamment sollicitée avant de passer à la vitesse supérieure.
"Rigoureuse précaution", assurent les Restos
De leur côté, les Restos du Cœur n'acceptent pas la critique. Ils rappellent que maintenir un niveau de trésorerie couvrant plusieurs mois de fonctionnement est le fruit d’une « rigoureuse précaution ». Il s’agit « d’être en capacité de tenir, quoi qu’il arrive, pendant des périodes de tensions ». Une posture pragmatique, qui vise à protéger une logistique complexe : centres alimentaires, maraudes, aide aux familles, aux enfants, aux sans abris...
D’ailleurs, à cet égard, le verdict du bilan n’est pas sans nuance : la Cour souligne la « bonne gestion » globale des Restos, tout en recommandant à l’État de calibrer précisément le niveau des subventions. Ces aides publiques, doivent en effet tenir compte non seulement des besoins de l’association, mais aussi de son propre matelas financier
Et maintenant ? Vers plus de transparence et d'autonomie
Depuis novembre 2024, la 40ᵉ campagne des Restaus est lancée. L’association va devoir ajuster sa communication financière. Deux axes semblent se dégager : d’une part, mieux exploiter ses réserves avant d’en appeler aux dons, d’autre part, clarifier ses critères de déclenchement d’alerte, pour ne pas semer d’inquiétude prématurée. “Ce chiffre rond invite à se retourner sur le chemin parcouru depuis 1985 et à renforcer l’action de terrain en faveur des plus démunis. Parmi eux, des familles monoparentales de plus en plus nombreuses mais aussi 128 000 bébés de moins de trois ans”, partage l’association.
Si l’association agit toute l’année aux côtés des personnes défavorisées, leur événement le plus médiatique, le concert des Enfoirés, se tiendra du 13 au 19 janvier 2026.