"Progression préoccupante de l'adhésion aux thèses islamistes", ce que contient l'étude de l'Ifop sur la pratique religieuse des musulmans de France
Une ferveur en hausse, un rigorisme assumé, et une jeunesse en première ligne. C’est ce que révèle l’étude Ifop publiée ce mardi 18 novembre et commandée par la revue Écran de veille. Selon elle, l’islam en France traverse en 2025 une phase de “revitalisation”. Les pratiques religieuses progressent, la proportion de fidèles augmente lentement, et la jeunesse se montre particulièrement investie dans les rituels et les marqueurs identitaires.
En effet, près de huit musulmans sur dix se disent “plutôt”, “très” ou “extrêmement” religieux, une proportion largement supérieure à celle observée dans les autres confessions religieuses. La pratique quotidienne de la prière a ainsi bondi, passant de 41% en 1989 à 62% en 2025, et culmine à 67% chez les moins de 25 ans.
Le Ramadan, le voile et les marqueurs identitaires en hausse
Le jeûne du Ramadan poursuit la même trajectoire : 73% des musulmans le suivent intégralement en 2025, contre 60% en 1989. Le port du voile s’accroît fortement chez les jeunes femmes : 45% des 18-24 ans se couvrent la tête, soit près de trois fois plus qu’en 2003. L’Ifop y voit un geste identitaire assumé.
L’étude met également en évidence une pratique “loin d’être marginale” : l’évitement des contacts physiques entre personnes de sexe opposé. Ainsi, 43% des répondants refusent au moins un geste du quotidien avec l’autre sexe, qu’il s’agisse d’une bise ou d’une poignée de main. Une tendance particulièrement marquée chez les plus jeunes.
L’adhésion aux principes islamistes progresse chez les jeunes
La progression la plus commentée concerne l’adhésion aux thèses islamistes. L’Ifop estime que 38% des musulmans approuvent tout ou partie de ces positions, un chiffre qui monte à 43% chez les 25-34 ans. L’institut note toutefois que ces notions ne sont pas définies précisément, ce qui nourrit les débats.
Contacté par franceinfo, Ibrahim Alci, coprésident du Conseil français du culte musulman (CFCM), “prend acte” des résultats mais insiste : “La réalité observée par un sondage sur 1 000 musulmans en France ne saurait être projetée sur l’ensemble des croyants.” Il appelle à éviter les amalgames, rappelant que les comportements rigoristes n’impliquent pas nécessairement une dérive politique.
Ibrahim Alci souligne également que cette progression n’est pas propre à l’islam : l’Ifop observe également une hausse des pratiques chez les jeunes croyants de toutes confessions. Pour le CFCM, “tant que les croyants rigoristes vivent leur foi en ne dérangeant personne, ils exercent leur liberté personnelle”.
Des indicateurs nuancés sur la charia et les normes religieuses
La question de la loi islamique ressort fortement : 46% des répondants estiment que la charia doit s’appliquer au moins partiellement, mais cette proportion baisse par rapport à 2008. L’Ifop souligne que le terme n’a pas été défini dans le questionnaire. Ibrahim Alci rappelle de son côté que “ce qui pose problème, c’est l’interprétation extrémiste de la charia”, non la pratique personnelle.
L’étude montre aussi que certaines idées reçues reculent : les musulmans acceptent davantage qu’un coreligionnaire quitte la religion (73% en 2025), et ils sont moins souvent en couple endogame que les autres croyants. Ces éléments contredisent l’idée d’une “communauté fermée”.
Une dynamique de “réislamisation” qui interroge
Malgré ces signes d’ouverture, l’Ifop observe une dynamique globale de “réislamisation”, structurée par des normes plus rigoristes. Un quart des répondants expriment même de la “sympathie” pour les Frères musulmans, tandis que 9% regardent favorablement le salafisme. Le jihadisme reste très minoritaire (3%).
L’institut s’interroge : cette dynamique est-elle réversible ? Pour l’heure, “rien ne semble enrayer ce processus”, écrit l’Ifop. Le CFCM estime que la réponse passe par un renforcement de la formation des imams, intégrant la laïcité et les principes républicains.
Source : Étude Ifop menée pour la revue Écran de veille entre le 8 août et le 2 septembre 2025, par téléphone, auprès de 1 005 personnes de religion musulmane, issues d’un échantillon national représentatif de 14 244 Français de 15 ans et plus et résidant en France métropolitaine.