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De nombreux internautes consultent des vidéos de jeunes enfants qui font de la gym. Problème : beaucoup de ces adultes sexualisent les enfants et s'envoient les vidéos... Face à ce scandale, certains parlent même de réseau pédophile.
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Réseau pédophile sur Internet  : des vidéos d'enfants gymnastes qui cumulent des millions de vues

Certaines de ces vidéos font des centaines de milliers de vues. Parfois même des millions. Elles mettent en scène de jeunes enfants, de 6 à 14 ans, s'exerçant à la gymnastique, souvent en justaucorps. En soi, rien de très effrayant et il est plus que probable que ces enfants s'adonnent à leur passion en espérant toucher un public de leur âge. En pratique, toutefois, les choses sont parfois très différentes... Comme l'indique le Roi des Rats, un youtubeur qui traque les dérives d'Internet.

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Et pour cause : une partie considérable, majoritaire même, du public est composée d'adultes. Dont tout un pan sexualise très largement les jeunes filles et les jeunes garçons des vidéos. Les commentaires explicites, sexualisants, objectifiants, se retrouvent par dizaines. "Tu es tellement jolie", "miam", "hé jolie fille", "fille chaude", "bébé"... Les insinuations sont nombreuses et il n'y a pas besoin de regarder très longuement pour comprendre de quoi il s'agit exactement.

Mais les choses ne s'arrêtent malheureusement pas là. Pire encore : depuis plus de dix ans, à en croire le Roi des Rats, un réseau pédophile croît sur Internet, via la plateforme YouTube. En menant son enquête, le vidéaste aurait trouvé des sites et des forums où ces individus s'échangent des vidéos, mais aussi des conseils pour en trouver de nouvelles. Certains partagent même des techniques pour approcher des enfants, indique Ouest-France. "Il faut être gentil, mignon et rassurant", explique un internaute, d'après le quotidien. Il poursuit : "En rassurant celle-ci, j’ai pu la convaincre de m’envoyer une vidéo d’elle prenant sa douche".

Sur d'autres forums, ils discutent d'aspects légaux relatifs aux vidéos qu'ils visionnent et des risques qu'ils encourent. Certains messages visent à mettre en place une marche à suivre pour les internautes qui souhaitent partager de tels contenus. "Attention, les vidéos qui sont postées ici sont quasi systématiquement supprimées par YouTube une fois postées. Merci de télécharger d'abord la vidéo sur votre ordinateur avant de la publier ici", écrivent certains. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un guide à l'égard d'individus à tendances pédophiles qui souhaitent préserver leurs vidéos de ceux qu'ils désignent comme des "anti-pédo".

"Il s'agit effectivement de pédophiles, mais pas nécessairement d'agresseurs", explique Gabrielle Arena, psychiatre responsable d’une consultation spécifique pour auteurs de violence sexuelle, du Centre ressource d’Ile-de-France Nord-Est. Elle intervient notamment auprès d’auteurs de violence sexuelle. "Parmi eux, on trouve des groupes de sujets qui ont des attirances pour des images d'enfants. Ils les traitent comme une collection de timbres... Ce genre de fascination ne date évidemment pas de YouTube. Elle est beaucoup plus ancienne", insiste la praticienne, pour qui il y a potentiellement plusieurs profils parmi les commentateurs. "Il y a aussi un tout autre groupe, qui fait une fixation pédophilique. C'est là qu'on trouve les potentiels futurs agresseurs. Dans ce cas, c'est d'autant plus dangereux que le caractère ambigu des vidéos ne permet pas nécessairement de les arrêter", souligne-t-elle.

Réseau pédophile sur Internet  : quelle est la responsabilité des parents ?

Si un tel réseau peut exister aujourd'hui, c'est en partie à cause de l’algorithme de suggestion de YouTube qui permet de rebondir de vidéos de jeunes gymnastes en vidéos de jeunes gymnastes. Certaines chaînes sont également mises en cause, parce qu'elles recensent de tels contenus en adoptant les codes des chaînes pour enfants. Ce faisant, elles échappent probablement à la démonétisation automatique de leurs vidéos et permettent à leurs propriétaires de gagner de l'argent...

Cependant, l'un des manquements de l'enquête du Roi des Rats, pointé du doigt par quelques internautes, c'est le rôle des parents dans cette situation.

"Indéniablement, les parents partagent une part de responsabilité", assène Gabrielle Arena. "Publier de telles vidéos est un comportement proprement immature, mais ce n'est pas la première fois qu'on constate ce type d'attitude. Certains parents ne se rendent tout simplement pas compte", estime-t-elle, prenant l'exemple des "mini-miss". "Dans cette émission, on transformait les jeunes filles en véritables poupées Barbie hyper-sexualisées. Et pourtant de nombreux parents étaient fiers et encourageaient leurs enfants. Il est urgent de refaire leur éducation à l'image, à leurs utilisations... N'oublions pas qu'elles ont une vie indépendante de celle de l'enfant, à qui elles peuvent causer énormément de tort." La psychiatre n'exclut pas non plus que certains parents publient sciemment de telles vidéos pour bénéficier des retombées financières qui accompagnent les nombres astronomiques de vues qu'elles cumulent parfois.

"C'est le regard de l'autre et pas le comportement de l'enfant qui est pervers", insiste-t-elle, convaincue qu'il faut "respecter la liberté d'expression" de nos têtes-blondes. "On ne peut évidemment pas les rendre responsables", poursuit-elle en réponse à l'une des affirmations du Roi des Rats qui estimait que les enfants fournissent involontairement du contenu aux pédophiles. Toutefois, elle juge aussi qu'il est important de les alerter en amont, de leur parler des réactions que la vidéo est susceptible de susciter. "Non seulement c'est susceptible de réduire la portée traumatique de certains commentaires mais en plus cela les fera réfléchir à leur envie de réaliser une vidéo." A ses yeux, l'éducation à l'image constitue l'un des principaux piliers pour éviter de nouvelles situations comparables à l'avenir.

Pédophilie : la réponse de YouTube

A la suite de l'enquête du Roi des Rats, le réseau social a bien évidemment réagi. "Tout contenu qui en danger des enfants est odieux et inacceptable pour nous. Nous avons des politiques claires contre les vidéos et les commentaires sur YouTube qui sexualisent ou exploitent les enfants et nous les appliquons de manière drastique à chaque fois que nous sommes alertés sur un tel contenu", insiste un porte-parole de YouTube France.

En pratique, la plateforme a désactivé les commentaires sur des milliers de vidéos qui ont été identifiées comme "susceptibles d'intéresser les prédateurs sexuels". Elle a également fermé des centaines de comptes émettant ces mêmes commentaires. "Nous travaillons également en étroite collaboration avec des organisations telles que Point de Contact en France, la Internet Watch Foundation au Royaume-Uni, ou le NCMEC, aux Etats-Unis, pour empêcher que des images d'abus sexuels sur des enfants soient mises en ligne, et nous les signalons aux autorités", poursuit le porte-parole, qui précise que le Roi des rats reconnaît "lui-même'" que "de nombreux commentaires" ont été retirés depuis.