Infidélité : l'adultère a-t-il vraiment quadruplé chez les femmes depuis 1970 ?

Publié par Stéphane Leduc
le 20/11/2025
Une femme élégante se tient dans l'embrasure d'une porte massive et haute en bois patiné, symbolisan
Autre
Le modèle du couple monogame vacille-t-il sur ses fondations ? En l'espace d'un demi-siècle, les chiffres de l'infidélité en France ont connu une progression spectaculaire, en particulier du côté des femmes. Si l'écart avec les hommes tend à se réduire, cette hausse traduit-elle une augmentation réelle des tromperies ou simplement une parole qui se libère enfin ? On fait le point sur un phénomène qui bouscule les codes de l'intimité.

Les chiffres clés sur l'infidélité en France, issus de sondages Ifop, sont sans appel. Alors qu'en 1970, seules 10 % des Françaises avouaient avoir déjà été infidèles sexuellement, ce chiffre a bondi à 37 % en 2019. Une multiplication par près de quatre qui redessine le paysage conjugal. Chez les hommes, la progression est moins marquée, passant d'environ 30 % en 1970 à près de 50 % aujourd'hui. Cette spectaculaire évolution des taux d'infidélité entre hommes et femmes depuis 1970 place l'Hexagone parmi les champions européens de l'adultère, avec 43 % des Français reconnaissant une incartade.

Pourtant, un paradoxe demeure : même si les comportements évoluent, le jugement social reste plus sévère à l'égard des femmes. Près de 77 % des Françaises estiment que leur entourage est plus choqué lorsque c'est la femme qui commet l'adultère. Une asymétrie qui montre que, même à l'ère post-#MeToo, l'opprobre pèse différemment selon le genre.

Pourquoi un tel bouleversement en cinquante ans ?

Plusieurs facteurs expliquent cette transformation profonde. Le premier est d'ordre juridique et social. L'une des conséquences de la fin de la criminalisation de l'adultère féminin, avec l'abrogation de l'article dédié du Code pénal en 1975, a été de lever une épée de Damoclès. Combinée à l'accès facilité à la contraception et à l'indépendance économique croissante, cette évolution a permis aux femmes de s'approprier leur sexualité avec une nouvelle autonomie.

Cette tendance de fond relève à la fois de la sociologie de l'infidélité et d'une plus grande libération de la parole. Pour la sociologue Marie-Carmen Garcia, la liaison clandestine peut aussi représenter une quête de soi, une manière de se réapproprier une identité intime en dehors du cadre conjugal. L'acte d'infidélité n'est plus seulement subi ou caché, il est davantage revendiqué.

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Le numérique a-t-il changé la donne ?

L'impact des sites de rencontres sur l'adultère est également un facteur non négligeable. L'émergence d'applications spécialisées comme Gleeden a considérablement facilité la mise en relation extra-conjugale, la rendant plus accessible et discrète. En dix ans, selon l'Ifop, le recours à ces plateformes pour une aventure a bondi de 31 % chez les femmes.

Les motivations derrière le passage à l'acte restent cependant genrées. Tandis que 60 % des hommes infidèles évoquent une insatisfaction ou un désir d'ordre sexuel, les femmes citent en premier lieu le manque d'attention et d'affection (45 %). Cette recherche de reconnaissance émotionnelle est l'un des facteurs qui expliquent pourquoi l'infidélité féminine augmente en France.

Faut-il réinventer la fidélité ?

Bien plus qu'une cause de rupture, l'infidélité est souvent le symptôme d'une crise déjà installée. L'ennui et le désir de rompre la routine sont cités par environ 45 % des personnes infidèles comme un déclencheur. Pour certains, une relation extraconjugale devient même une soupape de sécurité, une "respiration" qui permet de préserver l'union officielle en trouvant un épanouissement ailleurs.

Face à ces mutations, nombreux sont ceux qui doivent aujourd'hui redéfinir la monogamie dans le couple moderne. La notion de fidélité n'est plus un bloc monolithique, mais un concept à géométrie variable. Qu'il s'agisse d'une relation virtuelle, d'un dîner avec un collègue ou d'un flirt platonique, les limites de ce qui est acceptable se négocient désormais au cas par cas, au cœur de chaque relation.

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